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KÉRABAN-LE-TÊTU.

On put heureusement se procurer ce qui était nécessaire, au cap Kerpe, en le payant d’un bon prix, et même faire acquisition d’un âne pour porter ce surcroît de charge.

Il faut le dire, le seigneur Kéraban avait un faible pour les ânes, — sympathie de têtu à têtu, sans doute, — et celui qu’il acheta au cap Kerpe lui plut tout particulièrement.

C’était un animal de petite taille, mais vigoureux, pouvant porter la charge d’un cheval, soit environ quatre-vingt-dix « oks », ou plus de cent kilogrammes, — un de ces ânes comme on en rencontre par milliers dans ces régions de l’Anatolie, où ils transportent des céréales jusqu’aux divers ports de la côte.

Ce frétillant et alerte baudet avait les narines fendues artificiellement, ce qui permettait de le débarrasser avec plus de facilité des mouches qui s’introduisaient dans son nez. Cela lui donnait un air tout réjoui, une sorte de physionomie gaie, et il eût mérité d’être nommé « l’âne qui rit » ! Bien différent de ces pauvres petits animaux dont parle Th. Gautier, lamentables bêtes « aux oreilles flasques, à l’échine maigre et saigneuse », il devait probablement être aussi entêté que le seigneur