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KÉRABAN-LE-TÊTU.

ne possédait même pas un canot de sauvetage.

« Nous ne pouvons pourtant pas les laisser périr ! » répétait Kéraban, qui ne se contenait plus à la vue de ce spectacle.

Ahmet et tous ses compagnons, épouvantés comme lui, comme lui étaient réduits à l’impuissance.

Tout à coup, un cri, parti du pont de la tartane, fit bondir Ahmet. Il lui sembla que son nom, — oui ! son nom ! — avait été jeté au milieu du fracas des lames et du vent.

Et en effet, pendant une courte accalmie, ce cri fut répété, et, distinctement, il entendit :

« Ahmet… à moi !… Ahmet ! »

Qui donc pouvait l’appeler ainsi ? Sous le coup d’un irrésistible pressentiment, son cœur battit à se rompre !… Cette tartane, il lui sembla qu’il la reconnaissait… qu’il l’avait déjà, vue !… Où ?… N’était-ce pas à Odessa, devant la villa du banquier Sélim, le jour même de son départ ?

« Ahmet !… Ahmet !… »

Ce nom retentit encore.

Kéraban, Van Mitten, Bruno, Nizib, s’étaient rapprochés du jeune homme, qui, les bras tendus vers la mer, restait immobile, comme s’il eût été pétrifié.