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l’île à hélice.

Entre quatre et cinq heures du matin, les premières blancheurs nuancent l’horizon de l’est. Les miliciens et les marins, sous les ordres du commodore Simcoë et du colonel Stewart, laissant la moitié d’entre eux à l’hôtel de ville, vont se masser dans le square de l’observatoire, avec la pensée que le capitaine Sarol voudrait forcer les grilles de ce côté. Or, comme aucun secours ne peut venir du dehors, il faut à tout prix empêcher les indigènes de pénétrer dans la ville.

Le quatuor a suivi les défenseurs que leurs officiers entraînent vers l’extrémité de la Unième Avenue.

« Avoir échappé aux cannibales des Fidji, s’écrie Pinchinat, et être obligé de défendre ses propres côtelettes contre les cannibales des Nouvelles Hébrides !…

— Ils ne nous mangeront pas tout entiers, que diable ! répond Yvernès.

— Et je résisterai jusqu’à mon dernier morceau, comme le héros de Labiche ! » ajoute Yvernès.

Sébastien Zorn, lui, reste silencieux. On sait ce qu’il pense de cette aventure, ce qui ne l’empêchera pas de faire son devoir.

Dès les premières clartés, des coups de feu sont échangés à travers les grilles du square. Défense courageuse dans l’enceinte de l’observatoire. Il y a des victimes de part et d’autre. Du côté des Milliardais, Jem Tankerdon est blessé à l’épaule — légèrement, mais il ne veut point abandonner son poste. Nat Coverley et Walter se battent au premier rang. Le roi de Malécarlie, bravant les balles des snyders, cherche à viser le capitaine Sarol, lequel ne s’épargne pas au milieu des indigènes.

En vérité, ils sont trop, ces assaillants ! Tout ce qu’Erromango, Tanna et les îles voisines ont pu fournir de combattants, s’acharne contre Milliard-City. Une circonstance heureuse, pourtant, — et le commodore Simcoë a pu le constater, — c’est que Standard-Island, au lieu d’être drossée vers la côte d’Erromango, remonte sous l’influence d’un léger courant, et se dirige vers le groupe septentrional, bien qu’il eût mieux valu porter au large.