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puissance d’une sonate cacophonique.

— Un instant… un instant, s’écrie Sébastien Zorn, et n’allons pas plus vite que le chef d’orchestre !

— Ce qui signifie ?… demande l’Américain.

— Que nous sommes attendus à San-Diégo, répond Frascolin.

— À San-Diégo, ajoute le violoncelliste, où la ville nous a engagés pour une série de matinées musicales, dont la première doit avoir lieu après-demain dimanche…

— Ah ! » réplique le personnage, d’un ton qui dénote une assez vive contrariété.

Puis, reprenant :

« Qu’à cela ne tienne, messieurs, ajoute-t-il. En une journée, vous aurez le temps de visiter une cité qui en vaut la peine, et je m’engage à vous faire reconduire à la prochaine station, de manière que vous puissiez être à San-Diégo à l’heure voulue ! »

Ma foi, l’offre est séduisante, et aussi la bien venue. Voilà le quatuor assuré de trouver une bonne chambre dans un bon hôtel, — sans parler des égards que leur garantit cet obligeant personnage.

« Acceptez-vous, messieurs ?…

— Nous acceptons, répond Sébastien Zorn, que la faim et la fatigue disposent à favorablement accueillir une invitation de ce genre.

— C’est entendu, réplique l’Américain. Nous allons partir à l’instant… En vingt minutes nous serons arrivés, et vous me remercierez, j’en suis sûr ! »

Il va sans dire qu’à la suite des derniers hurrahs provoqués par le concert charivarique, les fenêtres des maisons se sont refermées. Ses lumières éteintes, le village de Freschal est replongé dans un profond sommeil.

L’Américain et les quatre artistes rejoignent le char à bancs, y déposent leurs instruments, se placent à l’arrière, tandis que l’Américain s’installe sur le devant, près du conducteur-mécanicien. Un levier est manœuvré, les accumulateurs électriques fonctionnent, le véhicule s’ébranle, et il ne tarde pas à prendre une rapide allure, en se dirigeant vers l’ouest.