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tribord et bâbord, la barre.

— C’est de couper l’île par son milieu… de la diviser en deux tranches égales, comme une galette, dont les deux moitiés navigueront chacune de son côté avec le gouverneur de son choix…

— Couper notre île !… » s’écrie le surintendant, comme si Pinchinat lui eût proposé de l’amputer d’un membre.

— Avec un ciseau à froid, un marteau et une clef anglaise, ajoute Son Altesse, la question sera résolue par ce déboulonnage, et il y aura deux îles mouvantes au lieu d’une à la surface de l’Océan Pacifique ! »

Ce Pinchinat ne pourra donc jamais être sérieux, même lorsque les circonstances ont un tel caractère de gravité !

Quoi qu’il en soit, si son conseil ne doit pas être suivi, — du moins matériellement, — si l’on ne fait intervenir ni le marteau ni la clef anglaise, si aucun déboulonnage n’est pratiqué suivant l’axe de la Unième Avenue, depuis la batterie de l’Éperon jusqu’à la batterie de la Poupe, la séparation n’en est pas moins accomplie au point de vue moral. Les Bâbordais et les Tribordais vont devenir aussi étrangers les uns aux autres que si cent lieues de mer les séparaient. En effet, les trente notables se sont décidés à voter séparément faute de pouvoir s’entendre. D’une part, Jem Tankerdon est nommé gouverneur de sa section, et il la gouvernera à sa fantaisie. De l’autre, Nat Coverley est nommé gouverneur de la sienne, et il la gouvernera à sa guise. Chacune conservera son port, ses navires, ses officiers, ses marins, ses miliciens, ses fonctionnaires, ses marchands, sa fabrique d’énergie électrique, ses machines, ses moteurs, ses mécaniciens, ses chauffeurs, et toutes deux se suffiront à elles-mêmes.

Très bien, mais comment fera le commodore Simcoë pour se dédoubler, et le surintendant Calistus Munbar pour remplir ses fonctions à la satisfaction commune ?

En ce qui concerne ce dernier, il est vrai, cela n’a pas d’importance. Sa place ne va plus être qu’une sinécure. De plaisirs et de fêtes, pourrait-il en être question, lorsque la guerre civile menace Standard-Island, car un rapprochement n’est pas possible.