Aller au contenu

Page:Verne - L'Île à hélice, Hetzel, 1895.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
399
le mot de la situation dit par pinchinat.

tillatoires a été détruite par l’explosion, l’autre, qui continue à fonctionner, doit fournir à tous les besoins.

En ce qui concerne les vivres, l’état est moins rassurant. Tout compte fait, leur durée n’excédera pas quinze jours, à moins qu’un sévère rationnement ne soit imposé à ces dix mille habitants. Sauf les fruits, les légumes, on le sait, tout leur vient du dehors… Et le dehors… où est-il ?… À quelle distance sont les terres les plus rapprochées, et comment les atteindre ?…

Donc, quelque déplorable effet qui doive s’ensuivre, le commodore Simcoë est forcé de prendre un arrêté relatif au rationnement. Le soir même, les fils téléphoniques et télautographiques sont parcourus par la funeste nouvelle.

De là, effroi général à Milliard-City et dans les deux ports, et pressentiment de catastrophes plus grandes encore. Le spectre de la famine, pour employer une image usée mais saisissante, ne se lèvera-t-il pas bientôt à l’horizon, puisqu’il n’existe aucun moyen de renouveler les approvisionnements ?… En effet, le commodore Simcoë n’a pas un seul navire à expédier vers le continent américain… La fatalité veut que le dernier ait pris la mer, il y a trois semaines, emportant les dépouilles mortelles de Cyrus Bikerstaff et des défenseurs tombés pendant la lutte contre Erromango. On ne se doutait guère alors que des questions d’amour-propre mettraient Standard-Island dans une position pire qu’au moment où elle était envahie par les bandes néo-hébridiennes !

Vraiment ! à quoi sert de posséder des milliards, d’être riches comme des Rothschild, des Mackay, des Astor, des Vanderbilt, des Gould, alors que nulle richesse n’est capable de conjurer la famine !… Sans doute, ces nababs ont le plus clair de leur fortune en sûreté dans les banques du nouveau et de l’ancien continent ! Mais qui sait si le jour n’est pas proche, où un million ne pourra leur procurer ni une livre de viande ni une livre de pain !…

Après tout, la faute en est à leurs dissensions absurdes, à leurs rivalités stupides, à leur désir de saisir le pouvoir ! Ce sont eux les cou-