Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XII

singuliers effets du mal de mer.

Lorsque les passagers, en quittant Thargela et son heureux mari, étaient rentrés à bord, ils avaient trouvé cinq des agents de police préposés à leur surveillance se promenant régulièrement sur le pont, pendant que leurs cinq camarades, dans le poste de l’équipage, et leur officier, dans la chambre mise à sa disposition, se livraient aux douceurs du sommeil. Et cependant, en dépit de cette garde vigilante, le Seamew, quand se leva le soleil du 26 mai, flottait librement sur la vaste mer, à plus de trente milles de Saint-Michel.

Cela devenait une habitude.

Pour fuir, il n’avait pas fallu, cette fois, braver les projectiles portugais. Cela s’était fait tout seul, à la faveur d’une brume épaisse qui, vers deux heures du matin, avait recouvert toutes choses sous un voile impénétrable. Le lieutenant et ses cinq hommes endormis enfermés à double tour, les cinq autres terrassés en un tour de main, le Seamew était bien tranquillement parti, absolument comme si l’arrêté du Gouverneur n’avait pas existé.

Une heure plus tard, le lieutenant délivré s’était vu contraint de subir la loi du vainqueur et d’accepter une capitulation désastreuse. Ses hommes avaient été désarmés, et le Seamew les emportait avec lui, pour les déposer seulement à Madère, au moment où il s’éloignerait de cette possession portugaise.

Terrassé par ce revers soudain, le malheureux lieutenant se promenait d’un air soucieux. Et, songeant combien cette aventure nuirait à son avancement, il faisait piteuse mine, tandis que,