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SINGULIERS EFFETS DU MAL DE MER.

nant liant, que votre Gouverneur a offert une prime de un pour cent à qui ferait pincer le voleur ?

— Oui, reconnut le lieutenant, mais je ne vois pas…

— Attendez, lieutenant, attendez ! Nous pouvons peut-être nous entendre. Car, ce voleur… ces voleurs, plutôt…

— Ces voleurs ?…

— Je les tiens, dit tranquillement Thompson.

— Hein ? fit le lieutenant.

— Je les tiens, répéta Thompson, et je tiens aussi une bonne partie au moins des diamants volés !

Le lieutenant, pâle d’émotion, incapable d’articuler une parole, avait saisi le bras de Thompson. Celui-ci acheva de formuler sa proposition.

— Dès lors, vous comprenez, lieutenant, cette prime de un pourcent m’appartient. Eh bien ! arrangez notre affaire d’une manière quelconque, en disant par exemple que vous êtes parti volontairement dans le but de pincer les voleurs dont la présence donnera beaucoup d’autorité à votre affirmation, et je suis prêt à vous abandonner une part, le cinquième, le quart au besoin, de la prime qui m’est due.

— Oh, ça ! fit le lieutenant avec une indifférence qui n’avait rien de flatteur pour la générosité du Gouvernement portugais.

— Eh bien ! acceptez-vous ? insista Thompson.

— Et si je refuse ?

— Si vous refusez, répondit Thompson, mettons que je n’aie rien dit. Je vous dépose paisiblement à Madère, et je garde mes voleurs, pour les remettre entre les mains du consul d’Angleterre, qui saura bien m’en assurer tout l’honneur et le profit.

Un travail rapide se faisait dans l’esprit du lieutenant. Refuser les propositions de Thompson, c’était retourner à Saint-Michel l’oreille basse, avec la honte de s’être laissé surprendre comme un enfant. Les accepter, c’était au contraire revenir avec les honneurs de la guerre, car le succès justifie tout. Même en comptant comme absolument négligeable la chance de toucher jamais un