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UNE ADJUDICATION VRAIMENT PUBLIQUE.

plaçaient, violentes à éborgner le soleil. Et, sur ces affiches de l’immense format double-grand-aigle, on lisait en lettres énormes :

prix du parcours, tous frais compris : 40 £.

Si Baker avait espéré assommer Thompson, Thompson avait voulu aplatir Baker. Et il n’y avait que trop réussi !

Mille francs pour un voyage de 37 jours, soit environ 27 francs par jour ! C’était là un minimum qu’il paraissait impossible de dépasser. Et tel fut vraisemblablement l’avis de l’Agence Baker, car la journée entière s’écoula sans qu’elle donnât signe de vie.

Robert cependant espérait encore. Il voulait croire, pour le lendemain, à une de ces manœuvres assassines dites de la dernière heure. Une lettre qu’il reçut le soir même lui enleva cette illusion.

Sans autre explication, on lui fixait un rendez-vous pour le lendemain 1er mai, à neuf heures du matin. Ne devait-il pas tout redouter devant cette convocation, après les incidents qu’il connaissait ?

Inutile de dire s’il fut exact au rendez-vous.

« J’ai reçu cette lettre… commença-t-il, en s’adressant au sous-directeur qui le recevait pour la seconde fois.

Mais celui-ci l’interrompit. Il n’aimait pas les paroles inutiles.

— Parfaitement ! Parfaitement ! Je voulais seulement vous informer que nous avons renoncé au voyage des trois archipels.

— Bah !… fit Robert, étonné du calme avec lequel cette nouvelle lui était annoncée.

— Oui, et si vous avez vu quelques-unes des affiches…

— Je les ai vues, dit Robert.

— En ce cas, vous devez comprendre qu’il nous est impossible de persister dans cette voie. Au prix de 40 £, le voyage devient une duperie pour l’agence ou pour les voyageurs, et peut-être bien pour les deux. Pour oser le proposer dans ces conditions, il faut être un farceur ou un sot. Pas de milieu !

— Et l’Agence Thompson ?… insinua Robert.