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LE CURRAL DAS FREIAS.

Le fond de l’abîme a été paré par le temps d’une admirable végétation, et au milieu apparaissaient, comme des points et comme un fil, les maisons et le clocher du Libramento.

L’itinéraire de l’excursion comportait une descente à ce village. On avait même compte sur lui pour fournir le déjeuner. Cependant la petite troupe demeurait hésitante, en constatant l’impossibilité d’engager les chevaux sur l’effrayant sentier qui, au prix de mille méandres, s’enfonçait dans les profondeurs du curral. Faciles à descendre, huit cents mètres seraient durs à remonter.

Les arrieros rassurèrent les touristes. Les parois du cratère, à partir de ce point, allant sans cesse en s’abaissant, ils auraient tout au plus cent mètres à gravir, après avoir suivi le fond pendant deux milles environ, pour retrouver la route et leurs chevaux.

Toute difficulté étant ainsi aplanie, l’inquiétante descente commença.

Le sentier d’ailleurs était plus effrayant que dangereux. Il n’en demeurait pas moins difficilement praticable aux femmes, et Alice et Dolly durent accepter le secours de Robert et de Roger.

Ce n’est pas sans hésitation que Robert s’était aventuré à offrir son aide à sa compagne de route. Jusqu’alors, il ne l’avait pas accoutumée à pareille liberté. Pourtant une impression confuse l’incitait à sortir un peu désormais de sa discrète réserve. Depuis que cette excursion avait commencé, Mrs. Lindsay lui adressait fréquemment la parole, elle lui faisait part de ses impressions, acceptait, recherchait même en quelque sorte sa compagnie. Robert, étonné et charmé, en était à se demander si Roger ne l’avait pas trahi.

Pourtant, quelque désir qu’il en pût avoir, il n’était pas encore sorti de la stricte et froide politesse qui convenait à sa situation, et, pendant les premiers instants de la descente, il laissa, bien qu’à regret, sa compagne se débattre au milieu des difficultés du sentier. D’autres étaient là, mieux qualifié pour offrir une