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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

bientôt Alice tressaillit. On avait cesse de tourner les pages. Le livre clos d’un coup sec, une chaise avait été repoussée, et aussitôt le bruit de la porte refermée indiqua à l’indiscrète écouteuse que M. Morgand était remonté sur le pont.

« Est-ce donc parce que nous n’y sommes plus ? » se demanda involontairement Alice.

D’un mouvement de tête, elle chassa cette idée, et délibérément acheva sa toilette. Cinq minutes plus tard, étendue dans sa couchette, elle cherchait le sommeil. Il devait être plus long que d’ordinaire à venir.

Robert, éprouvant après cette journée de rigoureuse claustration le besoin de prendre l’air, était en effet remonté sur le pont.

Lumineux dans la nuit, l’habitacle du spardeck l’attira. D’un coup d’œil, il vit que la route était au Sud-Ouest, et en inféra que le Seamew se dirigeait sur la grande Canarie. Désœuvré, il revint vers l’arrière, et se laissa tomber dans un fauteuil, à côté d’un fumeur qu’il n’aperçut même pas. Un moment, son regard flotta dans l’ombre sur la mer invisible, puis s’abaissa, et bientôt, le front dans la main, il se perdit en de profondes pensées.

« Pardieu ! dit tout à coup le fumeur, vous voilà bien ténébreux ce soir, monsieur le Professeur !

Robert tressaillit et se mit debout d’une secousse. Le fumeur s’était levé en même temps, et, à la lueur des fanaux, Robert reconnut son compatriote Roger de Sorgues, la main cordialement tendue, un sourire de bon accueil aux lèvres.

— Il est vrai, dit-il. Je suis un peu souffrant.

— Malade ? interrogea Roger avec intérêt.

— Pas précisément. Fatigué, las plutôt.

— Un reste de votre plongeon de l’autre jour ?

Robert lit un geste évasif.

— Mais aussi quelle idée de vous enfermer toute cette journée ! continua Roger.

Robert répéta le même geste, bon décidément pour toutes les réponses.