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UN ACCIDENT QUI ARRIVE À POINT.

y sentait l’électricité latente. Incontestablement, l’orage couvait. À lui de le faire éclater. Il en cherchait l’occasion favorable. Le hasard la lui fournit.

Il avait déjà risqué plusieurs pointes désagréables sans rencontrer d’écho, quand ses yeux fureteurs découvrirent le vide de deux places voisines ordinairement occupées.

« Deux des intelligents passagers qui nous ont brûlé la politesse à Las Palmas, » songea-t-il tout d’abord.

Mais un examen plus attentif le convainquit de son erreur. Les places inoccupées étaient celles du jeune ménage, qui, suivant sa coutume, avait débarqué dès l’arrivée à Santa-Cruz.

Saunders fit aussitôt sa remarque à haute voix et s’informa des passagers absents. Personne ne les avait vus.

« Ils sont souffrants, peut-être, dit Thompson.

— Pourquoi seraient-ils malades ? répliqua hargneusement Saunders. Ils n’étaient pas avec vous hier.

— Où voulez-vous qu’ils soient ? objecta Thompson avec mansuétude.

— Le sais-je, moi ? répondit Saunders. Vous les aurez oubliés à Ténériffe sans doute.

Saunders avait dit cela comme autre chose. Quant à Thompson, il haussa les épaules.

— Comment voulez-vous qu’on les ait oubliés ? N’avaient-ils pas un programme !

À ces mots, le baronnet intervint.

— Un programme, en effet, dit-il d’un air pincé, qui annonce que le Seamew partira le 4 juin, et non le 7, de Santa-Cruz, et non d’Orotava. Si c’est sur le programme que vous comptez !

— Ils ont dû être informés du changement, répondit Thompson. Et d’ailleurs, rien n’est plus simple que d’aller frapper à la porte de leur cabine.

Deux minutes plus tard, Mr. Roastbeaf annonçait que la chambre était vide. Les jeunes mariés avaient incontestablement disparu.