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OÙ THOMPSON SE TRANSFORME EN AMIRAL.

— Certes, vous avez raison, dit-il. Malheureusement, je doute que l’on puisse gagner São-Vicente par ce vent de Nord-Ouest. Il y faudrait des jours et des jours. C’est à mon sens une entreprise irréalisable avec les barques que nous voyons. Je pense que nous devons plutôt chercher à atteindre une des îles sous le vent.

São-Thiago, alors, sans aucun doute, dit Robert.

Moins commerçante que São-Vicente, São-Thiago n’en est pas moins l’île la plus grande de l’archipel, et son chef-lieu, la Praya, en est la capitale. La Praya est, en outre, un excellent port, où le mouvement maritime dépasse annuellement cent quarante mille tonneaux. Là aussi, sans aucun doute, on trouverait toutes facilités pour se rapatrier, et, quant à l’éloignement, il n’y avait guère de différence. La seule objection, c’était l’insalubrité de cette île, qui lui a valu d’être surnommée « la mortifère ».

— Bah ! dit Thompson, nous ne comptons pas nous y établir. Un jour ou deux, ce n’est pas une affaire, et si personne ne s’y oppose…

Avant tout, cependant, il convenait de trancher la question du paquebot. Mais, dans ce pays aux trois quarts sauvage, où il n’y avait apparence ni de gouverneur, ni de maire, on ne savait à qui s’adresser. Sur le conseil du capitaine, Thompson, escorté de tous ses compagnons d’infortune, aborda un groupe d’indigènes qui considéraient curieusement la foule des naufragés.

Ceux-ci n’étaient pas des noirs. Des mulâtres seulement, issus du croisement de colons portugais et des esclaves d’autrefois. À leur costume, on les reconnaissait pour des marins.

Robert, prenant la parole au nom de Thompson, s’adressa à l’un de ces mulâtres et lui demanda s’il existait dans l’Île du Sel un moyen de regagner l’Angleterre.

Le matelot caboverdien hocha la tête. Ce moyen n’existait pas. Les paquebots ne touchaient pas à l’Île du Sel, et il était très improbable que l’on trouvât un autre navire. Pendant la saison des alizés, d’octobre à mai, les bâtiments, à voiles pour la plu-