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en quarantaine.

En vérité, ils jouaient de malheur, les infortunés souscripteurs de l’Agence Thompson ! Oui, une épidémie des plus meurtrières sévissait à São-Thiago, et supprimait depuis un mois toute communication avec le reste du monde. À vrai dire, l’insalubrité est l’état ordinaire de cette île surnommée à bon droit la mortifère, comme Robert, avant de quitter l’Île du Sel, en avait averti ses compagnons. La fièvre y est endémique et y fait en temps normal de nombreuses victimes.

Mais la maladie locale avait pris cette fois une virulence inusitée et revêtu un caractère pernicieux qui ne lui est pas habituel. En présence des ravages qu’elle causait, le gouvernement s’était ému, et, pour couper le mal dans sa racine, il avait tranché dans le vif.

L’île tout entière subissait par ordre supérieur un rigoureux interdit. Certes, les navires conservaient le droit d’y atterrir, mais à la condition de ne plus la quitter jusqu’à la fin, impossible à prévoir, de la quarantaine et de l’épidémie. On conçoit que les paquebots réguliers et les longs-courriers se fussent détournés d’une pareille impasse, et, de fait, avant l’arrivée des administrés de Thompson, pas un seul bâtiment n’avait, depuis trente jours, pénétré dans la baie.

Ainsi s’expliquait l’hésitation des pêcheurs de l’Île du Sel, quand on leur avait parlé de São-Thiago ; ainsi s’expliquait leur fuite immédiate après le débarquement nocturne, loin de la ville, en un point inusité. Au courant de la situation, ils n’avaient voulu, ni perdre parmi scrupule excessif le bénéfice du voyage, ni se