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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/432

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

ceté active, le sentiment de profonde sécurité qu’elle puisait dans la protection de Robert s’opposait à ce qu’elle en conçut l’hypothèse.

Celui-ci, par contre, se souvenant de l’embuscade de la Grande-Canarie, pensait souvent à l’ennemi, qui, dans sa conviction intime, l’avait une première fois attaqué. L’inaction de l’adversaire ne le rassurait qu’à demi, et il veillait avec le même soin, en conservant une sourde inquiétude.

Jack, pendant ce temps, suivait la route fatale. Nullement préméditée, sa mauvaise action du Curral das Freias n’avait été qu’un geste réflexe soudainement suggéré par une occasion inattendue. Et pourtant l’avortement de cette première tentative avait, dans le creuset de son âme, transmué en haine un simple dépit. Cette haine, après la dédaigneuse intervention de Robert, s’était doublée de peur et détournée à la fois de son but naturel. Un instant, au moins, Jack Lindsay avait oublié sa belle-sœur pour l’interprète du Seamew, au point de lui dresser une embuscade, à laquelle celui-ci, eût-il pris l’autre route, ne devait pas échapper.

La résistance opiniâtre de Robert, l’héroïque intervention de Mr. Blockhead, avaient encore une fois fait échouer ses projets.

Depuis lors, Jack Lindsay ne faisait plus de différence entre ses deux ennemis. Il englobait Alice et Robert dans la même haine exaspérée par les échecs successifs qu’elle avait subis.

S’il était inactif, c’est la vigilance de Robert qui créait son inaction. Qu’une occasion propice se fût présentée, Jack, ayant désormais rejeté tout scrupule et résolu à ne pas rester sur sa défaite, n’eût pas hésité à se débarrasser de ces deux êtres dont la perte lui eût assuré et vengeance et fortune. Mais sans cesse il se heurtait à la surveillance obstinée de Robert, et, de jour en jour, il perdait l’espoir de trouver cette occasion favorable au milieu d’une ville populeuse, que les deux Français et les deux Américaines sillonnaient avec une tranquillité qui l’exaspérait.

La ville de La Praya ne peut malheureusement offrir beaucoup