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EN QUARANTAINE.

l’instant où le capitaine Pip avait jeté dans la balance le poids de son autorité, en déclarant qu’il ne se chargerait pas de la conduite du navire, si un seul des naufragés était laissé en arrière.

Hamilton et Blockhead quittaient donc les îles du Cap Vert avec les autres sans même en avoir conscience. Depuis la veille, leur état avait considérablement empiré. Leur intelligence sombrait dans un perpétuel délire, et il paraissait fort douteux que l’on pût les ramener jusqu’en Angleterre.

Plusieurs voyages furent nécessaires pour transborder tout le monde avec les deux seuls canots de la Santa-Maria. À la coupée, on trouvait Baker, qui, prenant au sérieux ses fonctions d’administrateur, indiquait à chacun la place qui lui était assignée.

Certes, on avait lieu de regretter le Seamew. Rien de plus rudimentaire que l’installation hâtivement improvisée. Si les dames, logées sous la dunette, dans le carré, n’eurent pas trop à se plaindre de leurs cabines exiguës, mais convenables, les hommes durent se contenter d’un vaste dortoir pris sur la cale à l’aide d’une cloison en planches et d’un parquet posé sur les barres sèches de l’entrepont.

Les divers convois se succédèrent sans incident. Personne dans l’île ne paraissait s’être aperçu de cet exode. Sans difficulté, les canots pour la dernière fois débordèrent et parvinrent jusqu’à la Santa-Maria. Baker, à son poste de la coupée, eut alors un haut-le-corps de surprise. Confondu parmi les autres passagers, se faisant aussi petit que possible, Thompson, le transfuge Thompson, venait de sauter sur le pont.