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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/450

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

touché à l’épaule. Ouvrant les yeux en sursaut, il aperçut Baker penché au-dessus de lui.

« Qu’y a-t-il ? demanda Thompson dans un demi-sommeil.

— Une erreur, ou plutôt un malentendu, mon cher monsieur. Tout à fait content de vous déranger, mais il n’y a pas moyen de faire autrement, quand je vous vois sans droit couché sur ce matelas.

— J’ai payé ma place, il me semble ! s’exclama Thompson avec mauvaise humeur.

— Votre passage ! cher monsieur, votre passage ! rectifia Baker. J’emploie votre propre expression. Ne confondons pas, s’il vous plaît. Passage ne veut pas dire place. Je dois uniquement vous transporter, je vous transporte. Je ne dois nullement vous coucher. Les matelas sont hors de prix à La Praya, et, si vous voulez jouir de celui-ci, je serai dans l’obligation de vous demander un léger supplément.

— Mais c’est un vol ! Je suis dans un coupe-gorge, ici ! s’écria avec colère Thompson redressé sur son séant, et promenant autour de lui des regards éperdus. Et quelle somme avez-vous la prétention de m’extorquer pour me donner la permission de dormir ?

— Il m’est impossible, dit sentencieusement Baker, de ne pas répondre à une question formulée en termes si choisis. Voyons !… Oui… à la rigueur… Oui, pour deux livres (50fr) il m’est possible de vous louer ce matelas, C’est un peu cher, je ne dis pas. Mais à São-Thiago, les matelas…

Thompson haussa les épaules.

— Celui-ci ne vaut pas les deux livres. Mais peu importe. Je vais vous verser vos deux livres, et, moyennant cette somme, il est bien entendu que j’aurai la paix pour toute la traversée.

— Pour toute la traversée ! Y pensez-vous ? Pour toute la traversée !… Ma parole, messieurs, ce gentleman est fou, s’écria Baker en levant les bras au ciel et en prenant à témoin les autres passagers assistant, accoudés sur leurs couchettes, à cette scène