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OÙ THOMPSON N’EN A PAS POUR SON ARGENT.

on dit, dans laquelle chacun a versé sa part. Vous, vous êtes un étranger. Il faut créer pour vous un tarif spécial et personnel. C’est très délicat !

— Pourtant, murmura Thompson, il me semble que six livres (150fr)…

— C’est bien peu ! répondit Baker d’un air rêveur.

— Dix livres (250fr)…

— Hum ! fit Baker.

— Vingt livres (500fr)… trente livres (750fr)…

Baker secouait toujours la tête, et semblait réellement fort chagrin d’être obligé de refuser des offres si tentantes.

— Eh bien ! quarante livres (1000fr), dit enfin Thompson avec effort. Autant que je vous ai demandé pour vous conduire…

— Au Cap Vert ! et même malgré moi, acheva Baker dans les yeux duquel luisait une malice infernale. Ainsi donc, vous pensez que quarante livres ?… Allons, va pour quarante livres !… Ce n’est pas assez évidemment. J’ai tort. Mais, le diable m’emporte, je ne sais rien vous refuser. Si donc vous voulez bien me verser la somme ?…

Thompson s’exécuta en soupirant, et tira du fond de sa sacoche les bank-notes exigées, que Baker compta par deux fois avec une merveilleuse insolence.

— Le compte y est, je m’empresse de le reconnaître. D’ailleurs, quoi vraiment de plus extraordinaire ? » dit-il en tournant le dos à son passager, qui s’empressa d’aller choisir une place dans le dortoir commun.

Pendant cette discussion, la Santa-Maria avait largué ses voiles et hissé son ancre à bord. À une heure du matin, par une brise d’Est bien établie, elle sortit sans inconvénient ni difficulté de la baie de La Praya. Devant son étrave, s’étendait la mer libre. Il ne lui restait plus qu’à y creuser son sillon.

Successivement, les passagers gagnèrent leurs couchettes. L’un des premiers, Thompson s’était étendu sur le matelas qu’il s’était réservé, et déjà il glissait au sommeil, quand il se sentit