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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/464

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Vers sept heures du soir, le rivage restait à moins de cinq encâblures. À trois cents mètres du couronnement, les lames se brisaient avec rage contre la barrière de récifs.

Il est rare que l’on puisse s’approcher aussi près de la terre d’Afrique. D’ordinaire, des hauts fonds en défendent les abords, et parfois jusqu’à quinze kilomètres au large. On devait en somme remercier le hasard qui, tout malveillant qu’il fût, avait du moins conduit la Santa-Maria à l’un des rares points où cette immense succession de bancs de sable a été entamée par les courants et les remous.

Cependant, on ne pouvait aller plus loin. Le fond se relevait rapidement. La sonde, jetée sans cesse, n’accusait plus qu’une vingtaine de brasses. Le capitaine résolut de mouiller à tout prix.

Peut-être, en s’affourchant sur trois ancres, les deux ancres de bossoirs et l’ancre du grand panneau, en frappant cent brasses de chaîne sur chacune d’elles, réussirait-il à tenir tête à l’ouragan, quand celui-ci rugirait de nouveau.

Certes, c’était bien improbable. Combien de chances opposées de voir les chaînes brisées, les ancres chasser ! Toutefois, c’était encore un espoir, et cet ultime espoir, un homme énergique ne devait point le mépriser.

Le capitaine fit donc faire peneau aux ancres de bossoirs et parer la bitture de la chaine. Il allait donner l’ordre de mouiller, quand un incident inattendu vint changer la face des choses.

Subitement, sans que rien eût annoncé l’étrange phénomène, la mer s’était mise à bouillir autour de la Santa-Maria. Ce n’étaient plus des lames. L’eau s’entrechoquait bruyamment en une sorte de clapotis monstrueux.

À bord du navire, un cri universel de terreur s’était élevé. Seul, le capitaine demeura impassible et, d’un œil clairvoyant, observa la nouvelle attaque de la nature. Sans perdre son temps à rechercher les causes du phénomène, il s’efforça d’en profiter. Le remous poussait la Santa-Maria à la côte, et, circonstance