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EXCURSION DE PROPORTIONS IMPRÉVUES.

quelques rares touffes de palmiers nains indiquent seules la vie latente de la terre.

La tempête a cessé, et du ciel tombe la majesté du soir. Tout est calme et silence. Nul bruit, sauf celui de la mer qui chante, en brisant ses rides sur la grève.

Soudain, Robert s’arrête.

Illusion ou réalité, le sifflement d’une balle a fait vibrer l’air à deux centimètres de son oreille, bientôt suivi d’une sèche détonation vite étouffée dans la chaleur de cette plage sans écho.

D’un bond, Robert s’est retourné et, à moins de dix pas derrière lui, parvenu jusque-là à la faveur du tapis de sable assourdissant sa marche, il voit, avec un mélange de colère et d’angoisse, Jack Lindsay qui, un genou en terre, le vise.

Sans perdre un instant, Robert s’élance sur cet assassin, sur ce lâche. Un choc arrête son élan. Une douleur fulgurante lui étreint l’épaule, et, comme une masse, il s’écroule en avant, le visage enfoui dans le sable.

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Son œuvre accomplie, Jack Lindsay s’éloigna rapidement. Il ne prit même pas la peine d’aller s’assurer de la mort de son ennemi. À quoi bon, d’ailleurs ? Dans ce désert, mort ou blessé, n’était-ce pas la même chose ? De toute manière, l’émissaire des naufragés n’arriverait pas à son but, et le secours ne viendrait pas.

Avoir arrêté le courrier de ses compagnons d’infortune, c’était quelque chose. Ce n’était pas tout. Pour que Jack Lindsay devint le maître de l’un d’eux, il fallait que leur troupe tout entière tombât en son pouvoir.

Jack Lindsay disparut derrière un mouvement de dunes, poursuivant l’achèvement de l’œuvre commencée.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Robert — cadavre ou blessé ? — gît sur le sable. Depuis qu’il est tombé à cette place, une nuit s’est écoulée, le soleil a décrit dans le ciel sa courbe diurne jusqu’à sa chute dans l’horizon,