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CONCLUSION

la mêlée, Robert, Roger de Sorgues, Baker, Piperboom, le révérend Cooley, et jusqu’au spleenétique Tigg, dont l’ardeur avait été particulièrement remarquée. Pourquoi défendre si chaudement une vie que l’on juge haïssable ?

« Parbleu ! ne put s’empêcher de lui dire Baker le lendemain de la bataille, il faut avouer que vous tapez ferme pour quelqu’un qui ne tient pas à la vie. C’était pourtant une riche occasion !

— Mais pourquoi diable ne tiendrais-je pas à la vie ? demanda Tigg en manifestant un vif étonnement.

— Le sais-je ? répondit Baker. Je ne connais pas vos raisons. Mais j’aime à croire que vous en aviez de bonnes, le jour où vous êtes entré au Club des Suicidés.

— Moi !

Baker, surpris à son tour, considéra son interlocuteur avec plus d’attention qu’il ne l’avait fait jusqu’alors. Il fut obligé de reconnaître que ces lèvres charnues, ces yeux rieurs, ce visage aux lignes calmes et pondérées, n’avaient rien de bien lugubre.

— Ah çà ! reprit-il, il est pourtant bien exact que vous avez formé le projet de vous tuer ?

— Jamais de la vie !

— Et que vous êtes membre du Club des Suicidés ?

— Mais c’est de la folie ! se récria Tigg, en regardant avec inquiétude son interlocuteur qu’il crut atteint d’aliénation mentale.

Celui-ci le rassura en lui racontant comment et à la suite de quelles circonstances l’opinion qu’il venait d’exprimer s’était implantée parmi les touristes. Tigg s’amusait énormément.

— J’ignore, dit-il enfin, où le journal avait puisé son information, et qui la lettre T pouvait désigner. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce n’est pas moi, dont le principal objectif est d’atteindre cent dix ans, et même davantage. »

Cette explication divulguée par Baker égaya fort la caravane.