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CONCLUSION

gagnés sur toute la ligne. Le Thompson, incapable de payer, s’est vu déclarer en faillite ; il a dû fermer boutique, et son nom a été rayé de la liste des agences de voyages. Mais ma satisfaction n’a pas été complète. À chaque instant, je trouve le personnage sur mon chemin. Il ne fait rien, que je sache, et pourtant il a l’air de nager dans l’or. Il me nargue, l’animal. J’ai la conviction qu’il avait quelque magot à l’abri, et que j’ai été roulé.

Pendant la diatribe de Baker, les deux sœurs se regardaient en souriant.

— Soyez en paix, mon cher monsieur Baker, dit enfin Alice. Mr. Thompson est bel et bien ruiné, et incapable de vous faire jamais concurrence.

— Comment vivrait-il alors ? insista Baker avec incrédulité.

— Qui sait ! répondit Dolly en souriant. Un secours peut-être, que lui aurait donné un passager reconnaissant.

Baker se mit à rire.

— Eh bien ! dit-il, voilà un passager que je voudrais connaître !

— Demandez à Alice ! insinua Dolly.

— Demandez à Dolly ! suggéra Alice.

— Vous !… s’écria Baker au comble de l’étonnement. Ce serait vous !… Quelle raison avez-vous pu avoir de venir en aide à un pareil farceur ? Ne s’est-il pas assez moqué de vous et de tous les autres ? N’a-t-il pas manqué outrageusement à ses promesses ? N’a-t-il pas failli nous faire mourir, noyés un peu partout, écrasés à Saint-Michel, de la fièvre à São-Thiago, brûlés par le soleil ou fusillés par les Maures en Afrique ? Vraiment, je cherche ce que vous pouvez vous imaginer lui devoir.

— Le bonheur, dirent ensemble les deux sœurs.

— Si son voyage avait été mieux organisé, serais-je comtesse ? interrogea Dolly en riant au nez de Roger, qui répondit par un signe de tête énergiquement affirmatif.

— Et moi marquise ? ajouta Alice en adressant à Robert un profond regard qui lui fut rendu.

Baker ne trouva rien à répondre. Toutefois, malgré les raisons