Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
PREMIER CONTACT.

— Veuve, répondit Thompson.

Pourquoi il fut satisfait de cette réponse, Robert eût été bien embarrassé de le dire.

— Donc, passons, reprit Thompson, et commençons, si vous voulez, par cette vieille dame que vous voyez à dix pas de nous, c’est lady Heilbuth, une originale qui ne voyage jamais sans une douzaine de chats et de chiens. Derrière elle, son domestique, raide dans ses galons, tient sous le bras le loulou actuellement préféré. Un peu plus loin, c’est un jeune couple que je connais peu. Mais il ne faut pas être grand clerc pour deviner de nouveaux mariés accomplissant leur voyage de noce. Il s’appelle Johnson, ce gros gentleman qui bouscule imperturbablement tout le monde. C’est un fameux buveur, j’ose le dire ! Revenez maintenant vers l’arrière. Voyez-vous ce long corps perdu dans les plis d’une vaste redingote ? C’est le révérend Cooley, un estimable clergyman.

— Et celui-là, si raide, qui se promène entre sa femme et sa fille ?

— Oh ! dit Thompson avec importance, c’est le très noble sir George Hamilton, la très noble lady Evangelina Hamilton, la très noble miss Margarett Hamilton. Comme ils ont conscience de leur haute situation ! Comme ils se promènent silencieusement, gravement, solitairement ! Qui, sauf peut-être lady Heilbuth, serait digne ici d’être admis dans leur très noble intimité ?

Robert considéra son interlocuteur avec intérêt. Amusant, cet homme à facettes. Le flatteur, au besoin, avait bon bec.

Son trait lancé, Thompson s’était levé. Il n’aimait pas longtemps la même chose.

— Je ne vois plus rien d’important à vous signaler, mon cher Professeur, dit-il. Vous connaîtrez les autres à l’usage. Permettez-moi de retourner à mes affaires.

— Et ce gros gentleman, demanda encore Robert cependant, qui paraît chercher quelque chose, escorté de trois dames et d’un jeune garçon ?