Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
L’AGENCE THOMPSON AND Co.

— Satisfait ? s’écria Blockhead. Dites : enchanté. La mer ! Le navire ! Les cabines ! Et des domestiques en veux-tu en voilà ! C’est extraordinaire, tout ça. Je le dis comme je le pense, monsieur. Franc comme l’or, Blockhead est franc comme l’or, monsieur.

Robert recommença son geste commode d’adhésion.

— Mais ça n’est pas tout ça, reprit l’intarissable bavard. Quand j’ai appris que j’allais voyager avec un professeur français, mon sang n’a fait qu’un tour. Je n’en ai jamais vu, moi, de professeur français !

Robert, transformé en phénomène, esquissa une légère grimace.

— Puis, j’ai pensé à faire d’une pierre deux coups, ça ne coûterait rien, pas vrai, de donner à mon fils quelques leçons de français ? Il a déjà un commencement.

— Ah ! votre fils a déjà…

— Oui. Il ne sait qu’une phrase, mais il la sait bien. Abel, dites votre phrase à monsieur.

Aussitôt Abel se leva, et, du ton d’un écolier qui récite une leçon, mais sans évidemment en comprendre le sens, articula ces mots inattendus :

— « Ce que les épiciers honoraires sont rigolos, c’est rien de le dire ! » prononça-t-il avec un accent très français et même assez faubourien.

Robert partit d’un irrésistible éclat de rire, au grand scandale de Blockhead et de sa famille.

— Il n’y a rien de drôle là-dedans, dit celui-ci d’un air pincé. Abel ne peut pas mal prononcer. C’est un peintre français, un « répine » comme il disait, qui lui a appris cette phrase-là.

Coupant court à cet incident ridicule, Robert s’excusa de ne pouvoir accepter l’offre qui lui était faite, ses fonctions ne lui laissant aucune liberté, et il allait se débarrasser à tout prix du fâcheux, quand le hasard vint à son secours.

Depuis un moment, Van Piperboom — de Rotterdam — allait