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dix heures en chasse.


Cela fait, même opération pour le canon de droite. Mais, pendant que je bourrais,

quelle détonation ! Le coup part !… Toute la première charge me rase la figure !… J’avais oublié de rabattre sur la capsule le chien du canon de gauche, et une secousse avait suffi à le faire retomber !

Avis aux novices ! J’aurais pu signaler l’ouverture de la chasse dans le département de la Somme par un accident déplorable. Quel fait divers pour les journaux de la localité !

Et pourtant, si, au moment où ce coup partait par inadvertance, si, — oui ! l’idée m’en vint ! — si, dans la direction de la charge, il était passé un gibier quelconque, je l’aurais sans doute abattu !… C’était peut-être une chance que je ne retrouverais pas !



VI


Cependant, Brétignot et ses compagnons avaient atteint le rideau. Là, arrêtés, ils discutaient sur ce qu’il convenait de faire pour conjurer la mauvaise fortune. J’arrivai près d’eux, après avoir rechargé mon fusil, avec grande précaution cette fois.

Ce fut Maximon qui m’adressa la parole, mais d’un ton hautain, comme il convenait à un maître.

« Vous avez tiré ? me dit-il.

— Oui !… c’est-à-dire… oui !… j’ai tiré…

— Un perdreau ?

— Un perdreau ! »

Pour rien au monde je n’aurais avoué ma maladresse devant cet aréopage.

« Et où est-il, ce perdreau ? demanda Maximon, en touchant mon carnier vide du bout de son fusil.

— Perdu ! répondis-je effrontément. Que voulez-vous ? Je n’avais pas de chien ! Ah ! si j’avais eu un chien ! »