Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
dix heures en chasse.

— Ce ne peut être que vous ! me dit sévèrement Brétignot.

— Décidément, ce monsieur est un homme dangereux ! reprit Matifat.

— Et quand on est aussi novice, ajouta Pontcloué, on refuse les invitations, d’où qu’elles viennent ! »

Et là-dessus, tous trois s’en allèrent.

Je compris. On me laissait le blessé pour compte.

Je m’exécutai. Je tirai ma bourse, et j’offris dix francs à ce brave paysan, dont la joue droite se dégonfla instantanément. Sans doute, il avait avalé sa noix.

« Ça va mieux ? lui dis-je.

— Oh là !… là !… Cho m’r’prind !… répondit-il en regonflant sa joue gauche.

— Ah ! non ! dis-je, non ! Assez d’une joue pour cette fois ! »

Et je m’en allai.


VIII


Pendant que je me débrouillais ainsi avec ce malin Picard, les autres prenaient les devants. D’ailleurs, ils m’avaient très bien fait entendre qu’on

n’était pas en sûreté dans le voisinage d’un maladroit tel que moi, dont la plus vulgaire prudence commandait de s’écarter.

Brétignot lui-même, sévère mais injuste, m’abandonnait, comme si j’eusse été un jettatore, doué du mauvais œil. Tous disparurent bientôt derrière un petit bois, sur la gauche. S’il faut le dire, je n’en fus pas autrement fâché. Au moins je ne serais responsable que de mes actes !

J’étais donc seul, seul au milieu de cette plaine qui n’en finissait pas. Qu’étais-je venu faire là, grand Dieu ! avec tout ce harnachement sur les épaules ! Pas un perdreau qui sollicitât mon coup de fusil ! Pas un « ieuvre »,