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JOHN WATKINS RÉFLÉCHIT.

— Oui… oui !… Je sais ! reprit John Watkins, en faisant signe au jeune homme de se taire, comme s’il eût pu être entendu du dehors. Oui !… oui !… Nous recauserons de cela !… Mais ne vous préoccupez pas de Pantalacci et des autres !… Ils ne diront rien de votre découverte, puisque leur intérêt est de ne rien dire !… Croyez moi… attendez !… et surtout pensez que ma fille et moi, nous sommes bien heureux de votre succès !… Oui !… bien heureux !… Mais, ne pourrais-je revoir ce fameux diamant ?… C’est à peine si, hier, j’ai eu le temps de l’examiner !… Voudriez-vous me permettre…

— C’est que je ne l’ai plus ! répondit Cyprien.

— Vous l’avez expédié en France ! s’écria Mr. Watkins, anéanti à cette pensée.

— Non… pas encore !… À l’état brut, on ne pourrait juger de sa beauté ! Rassurez-vous !

À qui l’avez-vous donc remis ? De par tous les saints d’Angleterre, à qui ?

— Je l’ai donné à tailler à Jacobus Vandergaart, et j’ignore où il l’a emporté.

— Vous avez confié un pareil diamant à ce vieux fou ? s’écria John Watkins, véritablement furieux. Mais c’est de la démence, monsieur ! C’est de la démence !

— Bah ! répondit Cyprien, que voulez-vous que Jacobus ou n’importe qui fasse d’un diamant dont la valeur, pour ceux à qui son origine est inconnue, est au moins de cinquante millions ? Pensez-vous qu’il soit aisé de le vendre secrètement ? »

Mr. Watkins parut frappé de cet argument. Un diamant d’un tel prix, bien évidemment, il ne devait pas être facile de s’en défaire. Néanmoins, le fermier n’était pas tranquille, et il eût donné beaucoup, oui… beaucoup !… pour que l’imprudent Cyprien ne l’eût pas confié au vieux lapidaire… ou tout au moins, pour que le vieux lapidaire fût déjà revenu au Griqualand avec sa précieuse gemme !

Mais Jacobus Vandergaart avait demandé un mois, et, si impatient que fût Watkins, il lui fallait bien attendre.

Il va sans dire que, les jours suivants, ses commensaux habituels, Annibal Pantalacci, herr Friedel, le juif Nathan, ne se firent point faute de dauber l’honnête lapidaire. Souvent ils en parlaient en l’absence de Cyprien, et toujours pour faire observer à John Watkins que le temps s’écoulait et que Jacobus Vandergaart ne reparaissait pas.