Aller au contenu

Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
L’ÉTOILE DU SUD.

« Et pourquoi reviendrait-il en Griqualand, disait Friedel, puisqu’il lui est si facile de garder ce diamant, d’une si énorme valeur, dont rien encore ne trahit l’origine artificielle ?

— Parce qu’il ne trouverait pas à le vendre ! répondait Mr. Watkins, en reproduisant l’argument du jeune ingénieur, qui ne suffisait plus maintenant à le rassurer.

— Belle raison ! répondait Nathan.

— Oui ! belle raison ! ajoutait Annibal Pantalacci, et, croyez-moi, le vieux crocodile est déjà loin à cette heure ! Rien de plus aisé, pour lui surtout, que de dénaturer la pierre et de la rendre méconnaissable ! Vous ne savez même pas quelle en est la couleur ! Qui l’empêche de la couper en quatre ou six, et d’en faire par le clivage plusieurs diamants de dimensions encore fort respectables ? »

Ces discussions portaient le trouble dans l’âme de Mr. Watkins, qui commençait à penser que Jacobus Vandergaart ne reparaîtrait pas.

Seul, Cyprien croyait fermement à la probité du vieux lapidaire, et affirmait hautement qu’il reviendrait au jour dit. Il avait raison.

Jacobus Vandergaart revint quarante-huit heures plus tôt. Telle avait été sa diligence et son ardeur à l’ouvrage, qu’en vingt-sept jours, il avait fini de tailler le diamant. Il rentra, pendant la nuit, pour le passer à la meule et achever de le polir, et, le matin du vingt-neuvième jour, Cyprien vit le vieillard se présenter chez lui.

« Voilà le caillou, » dit-il simplement en déposant sur la table une petite boîte de bois.

Cyprien ouvrit la boîte et resta ébloui.

Sur un lit de coton blanc, un énorme cristal noir, en forme de rhomboïde dodécaèdre, jetait des feux prismatiques d’un éclat tel que le laboratoire en semblait illuminé. Cette combinaison, d’une couleur d’encre, d’une transparence adamantine absolument parfaite, d’un pouvoir réfringent sans égal, produisait l’effet le plus merveilleux et le plus troublant. On se sentait en présence d’un phénomène vraiment unique, d’un jeu de la nature probablement sans précédent. Toute idée de valeur mise à part, la splendeur du joyau éclatait par elle-même.

« Ce n’est pas seulement le plus gros diamant, c’est le plus beau qu’il y ait au monde ! dit gravement Jacobus Vandergaart, avec une pointe d’orgueil paternel. Il pèse quatre cent trente-deux carats ! Vous pouvez vous flatter d’avoir