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Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/113

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L’ÉTOILE DU SUD.


aux diamants, — en dépit de toute concurrence quelle qu’elle fût, — enfin à l’heureux voyage que l’Étoile du Sud allait entreprendre par delà les terres pour porter, au Cap d’abord, à l’Angleterre ensuite, le rayonnement de sa splendeur !

« Mais, dit Thomas Steel, n’y aura-t-il pas quelque danger à expédier au Cap une pierre de ce prix ?

— Oh ! elle sera bien escortée !… répondit Mr. Watkins. Bien des diamants ont voyagé dans ces conditions et sont arrivés à bon port !

— Même celui de M. Durieux de Sancy, dit Alice, et cependant, sans le dévouement de son domestique…

— Eh ! que lui est-il donc arrivé de si extraordinaire ? demanda James Hilton.

— Voici l’anecdote, répondit Alice, sans se faire prier :

« M. de Sancy était un gentilhomme français, de la cour de Henri III. Il possédait un fameux diamant, aujourd’hui encore appelé de son nom. Ce diamant, par parenthèse, avait déjà eu des aventures nombreuses. Il avait appartenu notamment à Charles-le-Téméraire, qui le portait sur lui quand il fut tué sous les murs de Nancy. Un soldat suisse trouva la pierre sur le cadavre du duc de Bourgogne et la vendit un florin à un pauvre prêtre, qui la céda pour cinq ou six à un juif. À l’époque où elle était entre les mains de M. de Sancy, le Trésor Royal se trouva dans un grand embarras, et M. de Sancy consentit à mettre son diamant en gage pour en avancer la valeur au roi. Le prêteur se trouvait à Metz. Il fallut donc confier le joyau à un serviteur afin qu’il le lui apportât.

« — Ne craignez-vous point que cet homme ne s’enfuie en Allemagne ? disait-on à M. de Sancy.

« — Je suis sûr de lui ! » répondait-il.

« En dépit de cette assurance, ni l’homme ni le diamant n’arrivèrent à Metz. Aussi, la cour de se moquer fort de M. de Sancy.

« — Je suis sûr de mon domestique, répétait-il. Il faut qu’il ait été assassiné ! »

« Et de fait, en le cherchant, on finit par retrouver son cadavre dans le fossé du chemin.

« Ouvrez-le ! dit M. de Sancy. Le diamant doit être dans son estomac ! »

« On fit comme il disait, et l’affirmation se trouva justifiée. L’humble héros, dont l’histoire n’a même pas gardé le nom, avait été fidèle jusque dans la