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JUSTICE VÉNITIENNE.

— Que veux tu dire ? s’écria Cyprien.

— Oui ! j’avouerai tout, puisque l’on veut te mettre à mort ! s’écria Matakit. Oui !… c’est moi qu’il faut tuer… car c’est moi, qui ai mis le gros diamant dans le fourneau !

— Écartez ce braillard ! dit le chef de la bande.

— Je vous répète que c’est moi qui ai mis le diamant dans l’appareil ! redisait Matakit en se débattant. Oui !… c’est moi qui ai trompé le petit père !… C’est moi qui ai voulu lui faire croire que son expérience avait réussi !… »

Il apportait une énergie si farouche dans ses protestations qu’on finit par l’écouter.

« Dis-tu vrai ? demanda Cyprien, à la fois surpris et désappointé de ce qu’il entendait.

— Mais oui !… Cent fois oui !… Je dis vrai ! »

Il était maintenant assis par terre, et tous l’écoutaient, car ce qu’il disait allait singulièrement changer les choses !

« Le jour du grand éboulement, reprit-il, lorsque je suis resté enterré, sous les décombres, je venais de trouver le gros diamant !… Je le tenais à la main et je songeais au moyen de le cacher, quand la muraille est tombée sur moi pour me punir de cette pensée criminelle !… Lorsque je suis revenu à la vie, j’ai retrouvé cette pierre dans le lit où le petit père m’avait fait transporter !… J’ai voulu la lui rendre, mais, j’ai eu honte d’avouer que j’étais un voleur, et j’ai attendu une occasion favorable !… Précisément, quelque temps après, petit père a voulu tenter de faire un diamant et il m’a chargé d’entretenir le feu !… Mais voilà que le second jour, tandis que j’étais seul au laboratoire, l’appareil a éclaté avec un bruit horrible, et peu s’en est fallu que je ne fusse tué par les débris !… Alors, j’ai pensé que petit père aurait de la peine, parce que son expérience avait manqué !… J’ai donc placé dans le canon qui était fendu, le gros diamant, bien enveloppé d’une poignée de terre, et je me suis hâté de tout réparer par dessus le fourneau pour que le petit père ne s’aperçût de rien !… Puis, j’ai attendu sans rien dire, et, quand le petit père a trouvé le diamant, il a été bien joyeux ! »

Un éclat de rire formidable, que ne purent retenir les cinq hommes masqués, accueillit les derniers mots de Matakit.

Cyprien, lui, ne riait pas du tout et se mordait les lèvres de dépit.

Impossible de se méprendre au ton du jeune Cafre ! Son histoire était