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Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/218

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L’ÉTOILE DU SUD.

évidemment vraie ! En vain, Cyprien cherchait-il, dans ses souvenirs ou dans son imagination, des motifs pour la mettre en doute et la contredire mentalement ! En vain se disait-il :

« Un diamant naturel, exposé à une température comme celle du fourneau, se serait volatilisé… »

Le simple bon sens lui répliquait que, protégée par une enveloppe d’argile, la gemme avait fort bien pu échapper à l’action de la chaleur ou la subir seulement d’une façon partielle ! Peut-être, même, était-ce à cette torréfaction qu’elle devait sa teinte noire ! Peut être s’était-elle volatilisée et recristallisée dans sa coque !

Toutes ces pensées s’accumulaient dans le cerveau du jeune ingénieur, et elles s’y associaient avec une rapidité extraordinaire. Il était stupéfait !

« Je me rappelle fort bien avoir vu la motte de terre dans la main du Cafre, le jour de l’éboulement, fit alors observer l’un des hommes, lorsque l’hilarité se fut un peu calmée. Et même, il la serrait si fort dans ses doigts crispés, qu’il a fallu renoncer à la lui reprendre !

— Eh ! il n’y a plus le moindre doute à concevoir ! répondit un autre. Est-ce qu’il est possible de fabriquer du diamant ? En vérité, nous sommes bien sots d’avoir pu le croire !… Autant vaudrait chercher à fabriquer une étoile ! »

Et tous se remirent à rire.

Cyprien souffrait assurément plus de leur gaieté qu’il n’avait souffert de leur rudesse.

Enfin, après que les cinq hommes se furent consultés à voix basse, leur chef reprit la parole :

« Nous sommes d’avis, dit-il, qu’il y a lieu de surseoir à l’exécution de la sentence prononcée contre vous, Cyprien Méré ! Vous allez être libre ! Mais souvenez-vous que cette sentence pèse toujours sur vous ! Un mot, un signe pour en informer la police, et vous serez impitoyablement frappé !… À bon entendeur salut ! »

Il dit, et, suivi de ses compagnons, il se dirigea vers la porte.

La chambre resta plongée dans l’obscurité. Cyprien aurait pu se demander s’il ne venait pas d’être le jouet d’un simple cauchemar. Mais les sanglots de Matakit, qui s’était allongé sur le sol et pleurait bruyamment, la tête dans ses mains, ne lui permettaient pas de croire que tout ce qui s’était passé ne fût point réel.