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VANDERGAART-KOPJE.

Tout à coup, il la renia.

« Quand je parle de partir, mademoiselle Alice, dit-il, ce n’est pas ce matin… ni même aujourd’hui, je pense !… J’ai encore des notes à prendre… des préparatifs à compléter !… En tout cas, j’aurai l’honneur de vous revoir et de causer avec vous… de votre plan d’études ! »…

Sur quoi, tournant brusquement sur ses talons, Cyprien s’enfuit, comme un fou, revint à sa case, se jeta dans son fauteuil de bois, et se mit à réfléchir profondément.

Le cours de ses pensées était changé.

« Renoncer à tant de grâce, faute d’un peu d’argent ! se disait-il. Abandonner la partie au premier obstacle ! Est-ce bien aussi courageux que je l’imagine ? Ne vaudrait-il pas mieux sacrifier quelques préjugés et tenter de me rendre digne d’elle ?… Tant de gens font fortune, en quelques mois, à chercher des diamants ! Pourquoi ne ferais-je pas de même ? Qui m’empêche, moi aussi, de déterrer une pierre de cent carats, comme c’est arrivé à d’autres ; ou mieux, de découvrir un gisement nouveau ? J’ai sûrement plus de connaissances théoriques et pratiques que la plupart de tous ces hommes ! Pourquoi la science ne me donnerait-elle pas ce que le travail, aidé d’un peu de chance, leur a donné ?… Après tout, je ne risque pas grand chose à essayer !… Même au point de vue de ma mission, il peut ne pas m’être inutile de mettre la main à la pioche et de tâter du métier de mineur !… Et, si je réussis, si je deviens riche par ce moyen primitif, qui sait si John Watkins ne se laissera pas fléchir et ne reviendra pas sur sa décision première ? Le prix vaut bien que l’on tente l’aventure !… »

Cyprien se remit à marcher dans le laboratoire ; mais, cette fois, ses bras étaient inactifs, sa pensée seule travaillait.

Tout à coup, il s’arrêta, mit son chapeau et sortit.

Après avoir pris le sentier qui descendait vers la plaine, il se dirigea à grands pas vers le Vandergaart-Kopje.

En moins d’une heure, il y arriva.

À ce moment, les mineurs rentraient en foule au camp pour leur second déjeuner. Cyprien, passant en revue tous ces visages hâlés, se demandait à qui il s’adresserait pour obtenir les renseignements qui lui étaient nécessaires, lorsqu’il reconnut dans un groupe la face loyale de Thomas Steel, l’ex-mineur du Lancashire. Deux ou trois fois déjà, il avait eu occasion de le rencontrer, depuis leur arrivée simultanée en Griqualand, et de constater que le brave