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L’ÉTOILE DU SUD.


dans sa valise un pantalon de toile, une chemise de flanelle, un vieux chapeau, et il les donna à Matakit, qui ne pouvait en croire ses yeux. Se voir, dès son arrivée au camp, vêtu d’un costume aussi splendide, dépassait de beaucoup les rêves les plus hardis du pauvre diable. Il ne savait comment exprimer sa reconnaissance et sa joie. Il gambadait, riait, pleurait à la fois.

« Matakit, tu me parais un bon garçon ! disait Cyprien. Je vois bien que tu comprends quelque peu l’anglais !… Ne sais-tu donc pas en parler un seul mot ? »

Le Cafre fit un signe négatif.

« Eh bien ! puisqu’il en est ainsi, je t’engage à apprendre le français ! » reprit Cyprien.

Et, sans plus tarder, il donna à son élève une première leçon, lui indiquant le nom des objets usuels et le lui faisant répéter.

Or, non seulement Matakit se trouvait être un brave garçon, mais c’était aussi un esprit intelligent, doué d’une mémoire vraiment exceptionnelle. En moins de deux heures, il avait appris plus de cent mots et il les prononçait assez correctement.

Le jeune ingénieur, émerveillé d’une pareille facilité, se promit de la mettre à profit.

Il fallut sept à huit jours de repos et de nourriture substantielle au jeune Cafre pour se refaire des fatigues de son voyage et pouvoir être en état de travailler. Or, ces huit jours furent si bien employés par son professeur et par lui, qu’à la fin de la semaine, Matakit était déjà en état d’énoncer ses idées en français, — d’une manière incorrecte à la vérité, mais en somme parfaitement intelligible. Aussi, Cyprien en profita-t-il pour se faire raconter toute son histoire. Elle était fort simple.

Matakit ne savait même pas le nom de son pays, qui était dans les montagnes du côté où le soleil se lève. Tout ce qu’il pouvait dire, c’est qu’on y était fort misérable. Alors, il avait voulu faire fortune, à l’exemple de quelques guerriers de sa tribu qui s’étaient expatriés et comme eux, il était venu aux Champs des Diamants.

Qu’espérait-il y gagner ? Tout bonnement une capote rouge et dix fois dix pièces d’argent.

En effet, les Cafres dédaignent les pièces d’or. Cela vient d’un préjugé indéracinable, que leur ont donné les premiers Européens qui ont fait le commerce avec eux.