Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/104

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— Oh ! oh ! ! oh ! ! ! s’exclama crescendo Amédée Florence sur le point d’avoir une attaque de nerfs, ne pouvez-vous donc dire tout simplement qu’il faudra cinquante-trois jours à raison de quinze kilomètres par jour, et seulement quarante, si l’on en fait quotidiennement vingt ? Mais où voulez-vous en venir avec ces effroyables calculs ?

— À ceci, répondit d’un air pincé M. Poncin en faisant disparaître son imposant carnet, qu’il vaudrait mieux gagner le Niger par Djenné. On diminuerait ainsi de moitié la distance, qui serait réduite à quatre cents kilomètres.

— Mieux vaudrait encore, objecta Amédée Florence, en traçant du doigt sur la carte l’itinéraire qu’il préconisait, toucher le Niger à Ségou-Sikoro, en passant par Bama, Quattara, Djitamana, et caetera. Le trajet serait de cinq cents kilomètres environ, mais, outre qu’on suivrait ainsi le même itinéraire que le capitaine Marcenay, on regagnerait ces cent kilomètres supplémentaires, puisqu’on n’aurait pas à remonter le fleuve de Djenné à Ségou. De plus, ce dernier centre est relativement important, et nous vous trouverons sûrement du secours.

— Très bien raisonné, approuva le docteur Châtonnay. Toutefois, il est un parti que je crois meilleur encore. C’est de revenir tout bonnement sur nos pas, sinon jusqu’à la mer, du moins jusqu’à Sikasso, dont nous ne sommes distants que de deux cents kilomètres, et où nous retrouverons nos compatriotes qui nous ont si cordialement reçus. Là, nous déciderons s’il convient d’aller sur Bamako, ou s’il est préférable, comme le croit M. Amédée Florence, et comme c’est également mon avis, de remonter à Ségou-Sikoro.

— Le docteur a raison, approuva Florence. C’est le parti le plus sage.

Chacun ayant exprimé son opinion, il y eut un temps d’arrêt dans la discussion.

— Il peut se faire, monsieur Florence, reprit, après un instant de réflexion, Barsac, désireux de donner à ses compagnons une idée flatteuse de son héroïsme, que, le docteur et vous, vous ayez raison. Je vous prie de considérer, toutefois, que le retour à Sikasso signifie abandon, à tout le moins momentané, de la mission que j’ai acceptée. Or, messieurs, homme de devoir avant tout…

— Nous comprenons vos scrupules, monsieur Barsac, interrompit Florence, qui sentait venir le discours, mais il est des cas où le devoir, c’est la prudence.

— Reste à déterminer précisément, répliqua Barsac, si nous nous trouvons dans l’un de ces cas-là. Notre escorte a déserté, il est vrai, mais je cherche en vain quels dangers nous menacent. En somme, les seuls que nous ayons courus jusqu’ici pro-