Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/134

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Tout d’abord, Marcel Camaret avait demandé, comme une chose toute simple, qu’une usine fût construite, et, aussitôt, des nègres, par centaines, l’avaient bâtie. Il avait ensuite demandé telle et telle machine-outil, des dynamos et un moteur à vapeur, et, sinon aussitôt, du moins quelques mois plus tard, les machines-outils, les dynamos et le moteur étaient arrivés miraculeusement dans le désert. Il avait demandé enfin des ouvriers, et, l’un suivant l’autre, les ouvriers étaient venus jusqu’au nombre fixé par lui-même. Comment ces étonnantes merveilles s’étaient-elles accomplies ? Marcel Camaret n’en avait cure. Il avait demandé, il était servi. Rien ne lui paraissait plus simple.

Et, pas davantage, il n’avait songé à évaluer l’importance des capitaux absorbés par la réalisation de ses rêves, et jamais il ne s’était jamais posé cette question si naturelle : « D’où vient l’argent ? »

Les principaux traits de Blackland et de ses habitants ayant été ainsi indiqués, il est possible d’en récapituler en peu de mots les caractéristiques essentielles.

Sur la rive gauche de la Red River, le Palais, avec Harry Killer, ses neuf acolytes et les douze domestiques noirs. À proximité, les cinquante hommes de la Garde noire et les quarante conducteurs de planeurs dans leurs casernes respectives.

Sur la même rive, en face du Palais, l’autre tête de la cité, l’Usine, son directeur, Marcel Camaret, « marchant, vivant dans un rêve étoilé », le domestique Joko, les neuf autres serviteurs noirs et les cent ouvriers, dont vingt-sept mariés, tous prisonniers dans cette cité autonome et sans aucune communication avec le reste de Blackland.

Sur la rive droite, les Merry Fellows, au nombre de cinq cent soixante-six, officiers compris, tous gens de sac et de corde, les deux cent quarante et un Blancs et les quarante-cinq femmes blanches de même acabit formant le Civil Body, et enfin le vaste quartier central des Noirs, où vivent, peinent et souffrent le surplus des esclaves, soit cinq mille sept cent six nègres des deux sexes.

Tels sont les lieux où vont se dérouler les événements que la seconde partie de ce récit se propose de raconter.

Au moment où elle commence, tout était comme à l’ordinaire à Blackland. Le personnel de l’Usine travaillait, un certain nombre des Merry Fellows surveillaient les nègres employés aux travaux agricoles que nécessitait l’approche de la saison des pluies, tandis que les autres se livraient, de même que chaque jour, aux plus grossiers plaisirs, et le Civil Body s’occupait un peu vaguement de