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— Harry Killer !… Un despote !… répéta encore Camaret qui semblait n’y rien comprendre.

— Ne le saviez-vous pas ? demanda Barsac surpris à son tour.

— Ma foi non.

— Vous ne pouvez ignorer, cependant, qu’il existe une ville dans votre voisinage ? insista

Barsac un peu impatienté.

— Certes ! reconnut Marcel Camaret.

— Ni que cette ville s’appelle Blackland ?

— Ah ! c’est Blackland qu’on l’a nommée ?… fit Camaret. Le nom n’est pas mauvais, en effet… Non, je ne le connaissais pas, mais je le connais maintenant, puisque vous me l’avez appris. Cela m’est, d’ailleurs, fort indifférent.

— Si vous ne saviez pas le nom de cette ville, reprit Barsac, non sans une certaine ironie, vous saviez, du moins, je suppose, qu’elle est habitée, qu’elle possède même une population assez nombreuse ?

— Évidemment, répondit Camaret avec sérénité.

— Or, à toute ville, il faut une administration, un gouvernement.

— En effet…

— À Blackland, le gouvernement tient tout entier dans la personne d’Harry Killer, lequel n’est qu’un bandit, un despote cruel et sanguinaire, une brute alcoolique, pour ne pas dire un fou.

Marcel Camaret avait relevé vers Barsac ses yeux qu’il avait tenus baissés jusqu’alors. Il semblait éperdu, stupéfait surtout, et avait positivement l’air de tomber de la lune.

— Oh ! oh !… murmura-t-il avec un peu d’égarement. Vous employez des expressions…

— Très insuffisantes encore au regard des faits qui les motivent, continua Barsac qui s’échauffait, mais, tout d’abord, permettez-moi de vous dire qui nous sommes.

Camaret ayant acquiescé d’un geste d’indifférence polie qui n’était pas des plus encourageants, il procéda aux présentations. Laissant à Jane Buxton le pseudonyme qu’elle avait choisi, il désigna successivement ses compagnons et soi-même, en indiquant après chaque nom, la qualité de la personne présentée.

— Et enfin, conclut-il, voici Tongané, sur lequel je n’ai pas à insister, puisque vous le connaissez, paraît-il.

— Oui… oui… dit doucement Camaret, dont les regards étaient de nouveau tournés vers le sol.

— Chargé par le Gouvernement français… Mais, au fait, vous devez être Français, monsieur Camaret ?

— Oui… oui… murmura encore l’ingénieur d’un ton sans chaleur.

— Chargé, comme je vous le disais, par le Gouvernement français de diriger, dans