Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/182

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— Au fait !… dit Camaret, qui s’arrêta, pensif, comme si cette difficulté eût été pour lui toute nouvelle, vous avez raison, monsieur Florence. Comment ont pu être amenées jusqu’ici les premières machines et la matière première avec laquelle nous avons créé les autres ? Je n’avais jamais réfléchi, je l’avoue, à ce côté de la question. Je demandais, j’étais servi. Je ne cherchais pas plus loin. Mais, maintenant que vous attirez mon attention…

— Et quelle hécatombe d’hommes pour transporter tout cela à travers le désert, avant que vous n’ayez les planeurs !

— C’est vrai… reconnut Camaret qui pâlit un peu.

— Et l’argent ?… Ça en a mangé, tout ça, de la galette ! s’écria encore Florence dans son langage audacieusement familier.

— L’argent ?… balbutia Camaret.

— Oui, l’argent. Vous êtes donc bien riche ?

— Moi !… protesta Camaret. Je crois que je n’ai jamais eu cinq centimes en poche depuis que je suis ici.

— Alors ?

— C’est Harry Killer… commença timidement Camaret.

— Bien sûr ! Mais où le prenait-il ? C’est donc un milliardaire, votre Harry Killer ?

Camaret ouvrit les bras en signe d’ignorance. Il semblait démoralisé par la question d’Amédée Florence, et ses yeux avaient, de nouveau, cette expression égarée qui faisait vaciller son regard à toute émotion un peu vive. Pressant les solutions possibles du problème, si différent de ceux qu’il résolvait d’ordinaire, qui lui était brusquement posé, il éprouvait une sorte de vertige devant les horizons insoupçonnés qu’il découvrait. Il avait l’air si réellement éperdu, que le docteur Châtonnay eut pitié de lui.

— C’est un point qu’on élucidera avec les autres, dit-il. Pour le moment, ne nous éternisons pas là-dessus et continuons notre visite.