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Ce temps, le capitaine Marcenay, désoeuvré, sans fonctions précises, et surtout dévoré d’inquiétudes, allait le trouver bien long. Fort heureusement, dans les derniers jours de mars, une distraction lui arriva dans la personne du capitaine Perrigny, un de ses camarades de Saint-Cyr, avec lequel il n’avait jamais cessé d’entretenir d’intimes relations. Les deux amis furent très heureux de se revoir, et le temps, depuis ce moment, passa plus rapidement pour le capitaine Marcenay.

Mis au courant des soucis de son camarade, Perrigny rassura celui-ci. La fabrication d’un ordre faux, assez bien imité pour que tout le monde s’y fût trompé, lui parut tenir du roman. À son avis, il était plus raisonnable d’admettre que le lieutenant Lacour, mal renseigné sur les véritables mobiles de la décision du colonel, en avait donné une raison inexacte. Quant à la surprise du colonel Allègre, elle pouvait s’expliquer très simplement. Dans cette région à peine organisée, il n’y avait rien d’étonnant à ce que l’ordre le concernant se fût égaré.

Le capitaine Perrigny, qui devait séjourner deux ans à Tombouctou, amenait avec lui d’assez nombreux colis, que son ami l’aida à déballer. Plusieurs d’entre eux étaient plutôt des instruments de laboratoire que des bagages proprement dits. S’il n’eût porté l’uniforme, Perrigny eût été classé, en effet, parmi les savants. Passionné de science, il se tenait au courant de toutes les questions à l’ordre du jour, et particulièrement de celles se rattachant, de près ou de loin, à l’électricité. Dans leur association, Perrigny représentait l’étude, et Marcenay l’action. Cette différence de leurs penchants était même pour eux le fréquent prétexte de disputes amicales. Couramment, ils se traitaient en riant, l’un, de « vieux rat de bibliothèque », l’autre, de « vil traîneur de sabre », bien certains, au fond, que l’activité de Marcenay ne l’empêchait pas d’être un homme cultivé et instruit, et que la science de Perrigny n’empêchait pas davantage ce dernier d’être un excellent et brave officier.

Quelques jours après l’arrivée de son ami, le capitaine Marcenay trouva celui-ci en train d’achever de monter, à la suite de plusieurs autres, un nouvel appareil dans la cour de la maison où il avait fixé ses pénates.

— Tu tombes à pic, lui cria Perrigny, dès qu’il l’aperçut. Je vais te montrer quelque chose d’intéressant.

— Cela ? demanda Marcenay, en indiquant l’appareil, composé de deux piles électriques, d’électroaimants, d’un petit tube de verre contenant de la grenaille métallique, et surmonté d’une tige de cuivre haute de plusieurs mètres.

— Cela même, répondit Perrigny. Ce bi-