Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/192

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belot, tel que tu le vois, est une vraie trouvaille de sorcellerie. C’est tout simplement un poste récepteur de télégraphie, mais, tu m’entends bien, de télégraphie sans fil.

— Il y a quelques années qu’on en parle, dit Marcenay intéressé. Le problème serait-il donc résolu ?

— Et comment ! s’écria Perrigny. Oui, deux hommes se sont rencontrés sur notre boule terraquée, au même instant de son histoire. L’un, un Italien, du nom de Marconi, a trouvé le moyen d’émettre dans l’espace les ondes dites hertziennes… Connaîtrais-tu ça, par hasard, soldateste effrénée ?

— Oui, oui, fit Marcenay. Je l’ai appris au collège. D’ailleurs, on parlait déjà de Marconi quand j’étais en France. Mais l’autre inventeur à qui tu faisais allusion ?

— C’est un Français, le physicien Branly. Lui, il a trouvé le récepteur, une petite merveille d’ingénieuse simplicité.

— Et l’appareil que je vois là ?

— Est précisément le récepteur, dont tu vas comprendre le principe en un clin d’œil. M. Branly a observé que, si la limaille de fer était naturellement mauvaise conductrice de l’électricité, elle devenait bonne conductrice quand elle était influencée par une onde hertzienne, l’effet de cette onde étant de douer les grains de la limaille d’une attraction réciproque et d’augmenter leur cohésion. Ceci posé, tu vois ce petit tube ?

— Je le vois.

— C’est un cohéreur, ou détecteur d’ondes, comme tu voudras. Ce tube contenant de la limaille de fer est intercalé dans le circuit d’une pile ordinaire que j’ai l’honneur de te présenter. Le tube, étant mauvais conducteur, interrompt, par conséquent, le circuit, et le courant de la pile ne passe pas. C’est compris ?

— Oui, après.

— Or, vienne une onde hertzienne, elle sera captée par cette tige de cuivre, qui s’appelle une antenne. Aussitôt, le tube, qui est en connexion avec elle, deviendra conducteur, le circuit de la pile sera fermé et le courant passera. Tu comprends toujours, buveur de sang ?

— Oui, vieux savant à lunettes. Continue.

— Alors intervient le narrateur ici présent. Grâce à un dispositif de mon invention personnelle, combiné avec la découverte de Branly, ce courant mettra en action un récepteur Morse, dont la bande en papier se déroulera imprimée à la manière ordinaire. Mais, simultanément, ce petit marteau que tu vois heurtera le cohéreur, dont les grains seront séparés par le choc, et qui reprendra, par conséquent, sa résistance habituelle. Le courant de la pile ne passera plus, et le récepteur Morse cessera d’imprimer. On aura donc ainsi obtenu un unique point sur la bande de papier, me diras-tu ? En effet, mais la même succession de phénomènes se reproduira immédiatement, tant que l’antenne continuera à recueillir des ondes. Quand celles-ci viendront à cesser, rien ne s’imprimera plus sur la bande de papier du Morse, jusqu’au passage des ondes suivantes. On obtiendra finalement, par ce procédé, une série de points réunis par groupes inégaux, représentant les longues et les brèves de l’alphabet Morse, qu’un télégraphiste lit aussi aisément que l’écriture ordinaire.

— Toi, par exemple ?

— Moi, par exemple.

— Et pourquoi as-tu apporté cet instrument, extraordinaire je le reconnais, dans ces contrées barbares ?

— Lui et son frère, le producteur d’ondes, c’est-à-dire le transmetteur, dont je commencerai dès demain le montage. Parce que cette question de la télégraphie sans fil me passionne. Je veux être le premier à l’installer au Soudan. C’est pourquoi j’ai apporté ici ces deux appareils, dont les semblables, encore fort rares, du reste, de par le monde, n’existent pas en Afrique, je te le garantis. Songe donc ! Si l’on pouvait