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pliquerait un premier pansement. Le lendemain, on procéderait à son interrogatoire, s’il avait la force de parler.

— Et s’il y consent, fit observer Amédée Florence.

— Je me charge de l’y faire consentir, dit Marcel Camaret entre ses dents.

Le déblaiement pouvait être considéré comme terminé. Du moins était-il assez avancé pour qu’on fût certain que personne ne se trouvait plus sous les ruines. Marcel Camaret interrompit donc le travail et envoya ses ouvriers prendre un repos bien gagné.

À leur exemple, l’ingénieur et ses hôtes s’éloignèrent du lieu du désastre et se dirigèrent, en passant par le jardin, vers leurs chambres respectives.

Mais, au bout de quelques pas, Amédée Florence s’arrêta, et s’adressant à Camaret :

— Qu’allons-nous faire, monsieur, maintenant que nous voici sans planeur ? lui demanda-t-il.

— Nous en fabriquerons un autre, répondit Camaret.

— Vous en avez les éléments ? interrogea Barsac.

— Certes.

— Combien de temps vous faudra-t-il ?

— Deux mois.

— Hum !… fit simplement Florence, qui, sans insister, se remit en marche, tout pensif.

Deux mois !… Et l’on avait quinze jours de vivres ! Pour sortir de ce dilemme, le reporter était déjà à la recherche d’une idée.


X

une idée d’amédée florence


Combien différente de celle de la veille fut la matinée du 13 avril ! Hier, se croyant sûrs de toucher à la fin de leurs épreuves, les assiégés exultaient. Aujourd’hui, tout espoir envolé, ils étaient tristes et découragés.

Peu d’entre eux avaient trouvé le sommeil pendant les dernières heures de la nuit qui venait de s’écouler. Pour la plupart, ils les avaient employées à examiner sous toutes ses faces leur situation présente, sans découvrir aucun moyen d’en surmonter les difficultés.

Marcel Camaret lui-même était en défaut. Hors la construction d’un nouveau planeur, il n’imaginait rien pour sortir des embarras actuels. Mais placer son espoir dans un appareil dont la fabrication devait exiger deux longs mois, quand on avait à peine pour quinze jours de vivres, c’était se leurrer sciemment.

Vérification faite, on reconnut que ce moyen de salut était moins réalisable encore qu’on ne le supposait. Un méticuleux inventaire des réserves et un examen attentif des produits horticoles en voie de maturité démontrèrent, en effet, qu’on disposait seulement, non pas de quinze, mais de neuf à dix jours de vivres tout au plus. Non pas même avant deux mois, mais avant le dernier jour de ce présent mois d’avril, on souffrirait donc nécessairement de la faim.

Afin de retarder autant qu’il était possible cette inévitable échéance, on résolut de se rationner immédiatement. S’ils ne pouvaient se flatter d’échapper à leur destin, ainsi, du moins, les assiégés prolongeraient-ils leur agonie.

La matinée du 13 ayant été consacrée à cet inventaire et à la mise en train du planeur que Marcel Camaret s’entêtait à construire, bien que, selon toute apparence, on ne dût en espérer aucun secours, ce fut seulement au cours de l’après-midi qu’on put s’occuper du prisonnier.