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besoin d’avoir quelques renseignements. Si vous me les refusez, je recommence le petit jeu de tout à l’heure. Êtes-vous disposé à me les donner ?

— Oui, répondit le blessé.

— Tout d’abord, quelle est votre situation à Blackland ? Quel rôle y jouez-vous ?

— Conseiller.

— Conseiller ?… répéta interrogativement Camaret.

Frasne parut surpris que l’ingénieur ne comprît pas ce mot. Il expliqua néanmoins :

— On appelle comme ça ceux qui gouvernent avec Killer.

— Si je vous entends bien, vous faites donc partie du gouvernement de Blackland ?

— Oui.

Marcel Camaret parut très satisfait de la réponse. Il reprit :

— Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ?

— Depuis le commencement.

— Vous connaissiez donc Harry Killer auparavant ?

— Oui.

— Où l’aviez-vous connu ?

— À la colonne Buxton.

Jane tressaillit en entendant ces mots. Le sort lui fournissait un nouveau témoin.

— À la colonne Buxton !… répétait cependant Camaret. Comment se fait-il que je ne vous reconnaisse pas ?

— Faut croire que j’ai changé, dit philosophiquement Frasne. J’y étais pourtant avec vous, monsieur Camaret.

Incapable d’attendre plus longtemps, Jane Buxton intervint.

— Pardon, monsieur Camaret, dit-elle, voudriez-vous me permettre de dire quelques mots à cet homme ?

Marcel Camaret ayant acquiescé, elle demanda au blessé :

— Puisque vous étiez à la colonne Buxton, vous y avez donc vu arriver Harry Killer ?

— Oui.

— Pourquoi le capitaine Buxton l’a-t-il aussi facilement accueilli ?

— Je n’en sais rien.

— Est-il exact, poursuivit Jane, que du jour où

Harry Killer fit partie de la colonne, il en fut le véritable chef ?

— Très exact, répondit Frasne, qui manifesta quelque surprise d’être interrogé sur des faits aussi anciens.

— C’est donc par les ordres d’Harry Killer seul que la colonne Buxton se livra aux actes de pillage qui motivèrent sa destruction ?

— Oui, affirma Frasne.

— Le capitaine Buxton n’y était pour rien ?

— Non.

— Vous entendez, messieurs ? dit Jane, en se retournant vers ses compagnons.

Puis, continuant la série de ses questions :

— Pour quelle raison, dit-elle, le capitaine Buxton avait-il abdiqué son autorité au profit d’Harry Killer ?

— Comment voulez-vous que je sache ça ? dit Frasne impatienté.

Il paraissait sincère. Jane estima inutile d’insister.

— Savez-vous, du moins, comment est mort le capitaine Buxton, demanda-t-elle, passant à un autre sujet.

— Mais… dans la bataille, répondit Frasne, comme si la chose allait de soi. Bien d’autres sont tombés avec lui.

Jane Buxton soupira. Ce n’était pas encore cette fois qu’elle éluciderait les quelques points restés dans l’ombre.

— Je vous remercie, monsieur, dit-elle à Camaret. J’ai terminé.

L’ingénieur reprit aussitôt son interrogatoire au point où il avait été interrompu.

— Comment s’est-on, au début, procuré les nègres qui ont bâti la ville ? demanda-t-il.

Frasne ouvrit de grands yeux. Pouvait--