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— J’y suis déjà, répondit simplement l’ingénieur, qui, pendant qu’Amédée Florence parlait, s’était installé à sa table à dessin.

Les assiégés se retirèrent très surexcités par l’heureuse perspective qu’Amédée Florence avait fait miroiter à leurs yeux. Oui, certes, son idée était bonne, et il eût été stupide de ne pas s’assurer le concours de ces milliers d’alliés naturels qui peinaient de l’autre côté de la rivière. Quant à entrer en rapport avec eux, on ne doutait plus que ce fût possible, après les affirmations de Camaret. À cet égard, celui-ci avait fait ses preuves.

Dès le lendemain, la construction du planeur fut abandonnée, et tous les ouvriers furent occupés, les uns à forger, aiguiser des armes pointues ou tranchantes, d’autres à établir la machine nouvelle imaginée par Camaret, d’autres encore à forer un tronc de rônier dans un but que personne ne connaissait, tandis que les derniers creusaient, hors de la vue du Palais, au pied de la muraille de l’Usine, un puits de grande section qui s’approfondissait rapidement.

Le 21 avril, ce puits ayant atteint une profondeur de dix mètres, Camaret l’estimât suffisante, et le percement de la galerie horizontale fut aussitôt commencé. Pour le réaliser, l’ingénieur avait imaginé un cône d’acier long de cinq mètres, et d’un mètre trente centimètres de diamètre, sur la surface duquel alternaient des fentes et des aspérités, les unes et les autres disposées suivant un même pas hélicoïdal régulier. Un moteur électrique faisait tourner cet engin qui, pénétrant par sa pointe dans le sol friable, s’y vissait littéralement, tandis que, par les orifices ménagés à cet effet, le sable coulait à l’intérieur du cône, d’où il était constamment évacué par le puits.

Quand cette vis gigantesque aurait entièrement pénétré dans le sol, qu’elle soutiendrait en même temps, et qu’elle défendrait contre tout affaissement, il lui serait ajouté un cylindre de même diamètre, que de puissants vérins pousseraient à sa suite. Le tunnel horizontal, une fois terminé, consisterait donc en un tube métallique long de quatre-vingts mètres environ.

Quand on en serait là, le cône perforant serait tourné de telle sorte qu’une ouverture plus grande que les autres, maintenue fermée jusqu’alors, se trouvât à sa partie supérieure, et l’on ferait passer par cette ouverture un autre cône plus petit que le premier, qu’on visserait de bas en haut, jusqu’à la surface du sol.

Pendant que ces divers travaux s’accomplissaient, c’est à peine si l’on aperçut Camaret. Il n’apparaissait, l’air sombre et absorbé, que lorsque la solution d’une difficulté quelconque rendait sa présence indispensable, et, cette difficulté résolue, il