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Simulant une assurance qui était loin de son esprit, Jane Buxton introduisit la clé d’Harry Killer dans la serrure, qui s’ouvrit comme s’était ouverte la première. Elle se vit alors dans un assez long couloir, simple prolongement du vestibule qu’elle venait de traverser, dont, à droite et à gauche, une dizaine de portes trouaient les murs.

Toutes, sauf une, étaient grandes ouvertes. Jane Buxton jeta un coup d’œil dans les pièces auxquelles elles donnaient accès, et vit que ces pièces étaient des cellules, des cachots plutôt, sans air ni lumière, meublés d’une table et d’un misérable grabat. Les cachots, d’ailleurs, étaient vides, et rien n’indiquait qu’ils eussent été occupés depuis longtemps.

Restait l’unique porte fermée. Jane Buxton essaya, pour la troisième fois, le pouvoir de sa clé, et, comme les deux précédentes, cette porte s’ouvrit sans difficulté.

D’abord, elle ne distingua rien dans ce cachot, plongé dans une nuit profonde. Puis, ses yeux s’habituant peu à peu à l’obscurité, elle finit par deviner, dans l’ombre, une personne endormie.

Comme si une puissance surnaturelle l’eût avertie, sans qu’elle en eût conscience, qu’elle allait faire une découverte prodigieuse, Jane se sentait défaillir. Tremblante, le cœur battant, éperdue, sans force, elle restait immobile au seuil de ce cachot, dont son oreille et son regard s’efforçaient en vain de fouiller l’ombre impénétrable.

Elle se souvint, enfin, d’avoir vu, près de l’entrée, dans le couloir, un interrupteur électrique qu’elle manœuvra à tâtons, sans détacher ses yeux de l’ombre.

Quel saisissement éprouva Jane Buxton ! De quelle épouvante, plutôt, ne fut-elle pas frappée !

Elle eût trouvé, dans cet in pace du Palais de Blackland, l’un de ceux qu’elle venait de quitter à l’Usine quelques instants plus tôt, ou même elle y eût trouvé son frère, George Buxton, qu’elle savait mort, pourtant, depuis six ans, qu’elle eût été moins stupéfaite.

Réveillé en sursaut par l’éclat soudain de la lumière, un homme s’était soulevé sur le grabat qui occupait un des angles du cachot. Vêtu de haillons, par les trous desquels apparaissait un corps couvert d’innombrables plaies, d’une maigreur de squelette, il essayait péniblement de se redresser, en tournant vers la lumière ses yeux agrandis par la terreur.

Mais, malgré ces effroyables stigmates d’une longue torture, malgré ce visage émacié, malgré la barbe et les cheveux incultes, Jane Buxton ne pouvait s’y tromper,