Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/23

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Les premières amertumes que lui réservait l’avenir lui vinrent précisément de William Ferney, ce fils de la morte, qu’il chérissait comme s’il eût été le sien. Sournois, hargneux, hypocrite, le jeune homme ne répondit pas à la tendresse qu’on lui témoignait et demeura isolé au milieu de cette famille qui lui ouvrait si largement sa maison et son cœur. Il resta insensible à toutes les preuves d’affection qu’on lui donna. Bien au contraire, plus on s’intéressait à lui, plus il se retirait farouchement, plus on lui manifestait d’amitié, plus il semblait haïr ceux qui l’entouraient.

L’envie, une envie exaspérée, une envie furieuse, dévorait le cœur de William Ferney. Ce sentiment si méprisable, il l’avait éprouvé le premier jour où il était entré avec sa mère dans le château de Glenor. La comparaison s’était aussitôt imposée à son esprit du sort qui attendait les deux fils de celui-ci, et de son sort à lui, William Ferney. Dès lors, il conçut une haine violente pour George et pour Lewis, ces héritiers de lord Buxton, qui seraient riches un jour, tandis que resterait pauvre le descendant déshérité de Marguerite Ferney.

Sa haine grandit encore, quand naquit Jane, sa demi-sœur par le sang, qui aurait part, elle aussi, un jour, à cette fortune dont il serait exclu, ou dont il ne recevrait, par charité, qu’une infime partie. Elle fut portée au paroxysme lorsque sa mère mourut et que disparut ainsi le seul être qui eût chance de trouver le chemin de ce cœur ulcéré.

Rien ne l’apaisa, ni l’amitié fraternelle des deux fils de lord Buxton, ni la paternelle sollicitude de celui-ci. De jour en jour, l’envieux se retira davantage, se fit davantage une vie personnelle dont, seuls, des scandales successifs permirent de pénétrer le mystère. On apprit ainsi que William Ferney s’était lié avec les jeunes gens les plus tarés et qu’il avait choisi ses amis et ses compagnons de plaisir dans la partie la moins recommandable de la population de Londres.

Le bruit de ses excès parvint aux oreilles de lord Buxton, qui s’épuisa vainement en