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nade, et qu’on surprit à travers la porte, expliquèrent la conduite des Merry Fellows. Ceux-ci ne songeaient guère à délivrer leur chef, qu’ils accusaient, d’ailleurs, de trahison, et ne pensaient, en effet, qu’à s’éloigner de ces lieux désolés, mais, auparavant, ils entendaient s’emparer des trésors, que, d’après la légende ayant cours parmi eux, celui qu’ils appelaient Harry Killer devait avoir ramassés dans son Palais. Quand ils se les seraient partagés, ils s’empresseraient de déguerpir et d’aller chercher fortune sous d’autres cieux.

Les assiégés leur eussent bien volontiers donné cette satisfaction. Malheureusement, leur ignorance de l’endroit où se trouvait la cachette, si elle existait toutefois, de l’ex-despote de Blackland, ne leur permettait pas de se débarrasser ainsi de leurs ennemis.

Jusqu’à neuf heures du matin, sauf les explosions de plus en plus précipitées qu’on entendait du côté de l’Usine, la situation demeura stationnaire. William Ferney travaillait toujours à percer le plafond du premier étage, dans lequel il n’avait pas encore pénétré, tandis que les Merry Fellows continuaient à s’acharner contre la porte, qui ne semblait pas s’en porter plus mal.

Mais, à ce moment, ces derniers modifièrent leur tactique. Cessant de s’épuiser en vain contre la porte elle-même, ils s’attaquèrent à la maçonnerie qui l’entourait. Pendant une heure, on entendit le bruit de leurs outils effritant la pierre, puis, cette heure écoulée, une forte explosion fit voler en éclats la partie inférieure d’un pied-droit. Les Merry Fellows s’étaient enfin avisés de forer un trou de mine, et, avec la poudre de plusieurs cartouches, ils avaient fait sauter l’obstacle qu’ils ne pouvaient forcer.

La porte tenait bon, cependant, mais elle était ébranlée, et une seconde charge d’explosif la ferait irrémédiablement tomber. Déjà, par le trou pratiqué dans la maçonnerie, des gueules de fusils apparaissaient, menaçantes.

Les assiégés durent quitter le vestibule et se réfugier dans une partie plus reculée du Palais, tandis que les Merry Fellows commençaient le second trou de mine.

Presque au même instant, un bruit d’éboulement démontra que le troisième plafond attaqué venait de céder à son tour. Quelques minutes plus tard, les assiégés entendaient marcher au premier étage, et les coups reprenaient directement au-dessus de leur tête.

La situation commençait à devenir réellement désespérée. Au-dehors, trois ou quatre cents Merry Fellows, qui seraient dans la place avant une demi-heure. Au-dessus d’eux, une vingtaine de bandits déterminés, qui, dans le même laps de temps peut-être, fusilleraient librement le rez-de-chaussée à travers le plafond. Les malheureux n’essayaient même plus de lutter contre le sort. Jane et Lewis Buxton, Amédée Florence et Barsac, s’efforçaient en vain de les réconforter. Étendus sur le sol, ils attendaient, résignés, le coup qui allait les frapper.