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Mais la face des choses fut soudain changée du tout au tout. Simultanément, les Merry Fellows et William Ferney interrompirent leur travail. Une détonation, qu’on ne pouvait confondre avec les explosions qui continuaient à se produire dans le voisinage, venait de retentir et s’était répercutée dans tout le Palais. Cette détonation, provenant d’un coup de canon, selon toute apparence, fut suivie de plusieurs autres, et il ne s’était pas écoulé cinq minutes, que la muraille séparant, dans le Sud-Est, l’Esplanade de la campagne s’écroulait tout à coup sur une assez grande longueur.

Un concert d’horribles imprécations partit alors du groupe des Merry Fellows, dont quelques-uns allèrent jeter par la brèche un coup d’oeil au-dehors. Il est à supposer que ce qu’ils aperçurent ne fut pas de leur goût, car ils se mirent aussitôt à gesticuler comme des gens affolés, et coururent retrouver leurs compagnons, avec lesquels ils tinrent un rapide conciliabule. Bientôt après, tandis que William Ferney, renonçant à atteindre le rez-de-chaussée, remontait dans la tour en toute hâte, ils se précipitaient en désordre vers l’autre rive. Se pressant, se bousculant dans une inexplicable panique, ils s’efforçaient d’y arriver, quand une nouvelle explosion, qui coûta la vie à une cinquantaine des leurs, détruisit à la fois le Castle’s Bridge et le Garden’s Bridge. Toute communication étant ainsi coupée avec la rive droite, ceux des Merry Fellows qui n’étaient pas encore engagés sur le pont, au moment où celui-ci avait sauté, n’hésitèrent pas à se jeter dans la rivière, qu’ils franchirent à la nage.

En un instant, l’Esplanade fut déserte, et, sauf les explosions qui continuaient à éclater à intervalles réguliers, un grand silence succéda brusquement à tout ce vacarme. Les assiégés, étonnés, ne savaient que faire, lorsqu’un angle du palais même s’écroula tout à coup. Marcel Camaret, parachevant son œuvre de destruction, commençait à rendre la place intenable. Il fallait fuir.

Ils s’élancèrent donc sur l’Esplanade, et, curieux de connaître les causes de la panique des Merry Fellows, ils coururent, à leur tour, vers la brèche de l’enceinte. Ils ne l’avaient pas atteinte, qu’une sonnerie de clairon retentissait au-dehors, de l’autre côté de la muraille encore partiellement debout.

Ne pouvant croire à la délivrance que cette sonnerie leur annonçait, ils s’arrêtèrent interdits, de même que s’arrêtaient ceux de leurs compagnons qui s’étaient ré-