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Page:Verne - L’Invasion de la mer.djvu/15

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l’oasis de gabès.

du côté de la grève. Il fit le tour du petit monument. Personne et aucune trace de pas sur le sable, si ce n’est celles que sa mère et lui avaient laissées devant l’entrée du marabout.

À peine s’était-il écoulé une minute depuis la sortie de Sohar, lorsque Djemma parut sur le seuil, inquiète de ne pas voir revenir son fils. Celui-ci, qui tournait alors l’angle du marabout, la rassura d’un geste.

Djemma était une Africaine de race touareg ayant dépassé sa soixantième année, grande, forte, la taille droite, l’attitude énergique. De ses yeux bleus, comme ceux des femmes de même origine, s’échappait un regard dont l’ardeur égalait la fierté. Blanche de peau, elle apparaissait jaune sous la teinture d’ocre qui recouvrait son front et ses joues. Elle était vêtue d’étoffe sombre, un ample haïk de cette laine si abondamment fournie par les troupeaux des Hammâma qui vivent aux alentours des sebkha ou chotts de la basse Tunisie. Un large capuchon recouvrait sa tête, dont l’épaisse chevelure commençait seulement à blanchir.

Djemma resta immobile à cette place jusqu’au moment où son fils vint la rejoindre. Il n’avait rien aperçu de suspect aux environs et le silence n’était troublé que par ce chant plaintif du bou-habibi, le moineau du Djerid, dont plusieurs couples voletaient du côté des dunes.

Djemma et Sohar rentrèrent dans le marabout pour attendre que la nuit leur permît de gagner Gabès sans éveiller l’attention.

L’entretien se continua en ces termes :

— Le navire a quitté la Goulette ?…

— Oui, ma mère, et, ce matin, il avait doublé le cap Bon… C’est le croiseur Chanzy…

— Il arrivera cette nuit ?…

— Cette nuit… à moins qu’il ne relâche à Sfax… Mais il est plus probable qu’il viendra mouiller devant Gabès, où ton fils, mon frère, lui sera livré…

— Hadjar !… Hadjar !… » murmura la vieille mère.