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l’invasion de la mer

Et, toute frémissante alors de colère et de douleur :

« Mon fils… mon fils ! s’écria-t-elle, ces Roumis le tueront, et je ne le verrai plus… et il ne sera plus là pour entraîner les Touareg à la guerre sainte !… Non… non ! Allah ne le permettra pas. »

Puis, comme si cette crise eût épuisé ses forces, Djemma tomba agenouillée dans l’angle de l’étroite salle et demeura silencieuse.

Sohar était revenu se poster sur le seuil, accoudé au montant de la porte, aussi immobile que s’il eût été de pierre, comme une de ces statues qui ornent parfois l’entrée des marabouts. Aucun bruit inquiétant ne le tira de son immobilité. L’ombre des dunes s’allongeait peu à peu vers l’est, à mesure que le soleil s’abaissait sur l’horizon opposé. À l’orient de la Petite-Syrte se levaient les premières constellations. La mince tranche du disque lunaire, au début de son premier quartier, venait de glisser derrière les extrêmes brumes du couchant. Une nuit tranquille se préparait, obscure aussi, car un rideau de légères vapeurs allait en cacher les étoiles.

Un peu après sept heures, Sohar retourna près de sa mère et lui dit :

« Il est temps…

— Oui, répondit Djemma, et il est temps que Hadjar soit arraché, des mains de ces Roumis… Il faut qu’il soit hors de la prison de Gabès avant le lever du soleil… Demain, il serait trop tard…

— Tout est prêt, mère, affirma Sohar… Nos compagnons nous attendent… Ceux de Gabès ont préparé l’évasion… Ceux du Djerid serviront d’escorte à Hadjar, et le jour n’aura pas reparu qu’ils seront loin dans le désert…

— Et moi avec eux, déclara Djemma, car je n’abandonnerai pas mon fils…

— Et moi avec vous, ajouta Sohar. Je n’abandonnerai ni mon frère ni ma mère ! »