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l’invasion de la mer

cageuse souvent inondée et mal connue de la Farfaria, entre Biskra et la région du Melrir où il allait bientôt arriver, que quelque chose d’inattendu avait dû arrêter en route ceux qu’il y croyait trouver. Une fois lancé dans le champ des hypothèses, on n’en sort pas. L’une succède à l’autre avec une continuité obsédante, et elles travaillaient, en ce moment, l’imagination de M. de Schaller, sans lui fournir la moindre explication à peu près plausible ou même vraisemblable. Insensiblement, sa surprise et sa déconvenue se changeaient en réelle inquiétude, et la fin de l’étape arriva sans modifier sa physionomie morose. Aussi le capitaine Hardigan jugea-t-il prudent d’éclairer la route.

Par son ordre, le maréchal des logis-chef dut se porter, avec quelques cavaliers, à un ou deux kilomètres de chaque côté du canal, tandis que le reste du détachement continuait sa marche.

La région était déserte ou, plus exactement, il semblait qu’elle eût été récemment désertée. À la fin de la seconde étape, le détachement fit halte pour la nuit, à l’extrémité du petit chott. L’endroit était absolument dénudé ; aucune oasis à proximité. Jusqu’ici, jamais les campements n’avaient été établis dans des conditions aussi insuffisantes. Pas d’arbres, pas de pâturages. Rien que ce « reg » où le sable se mêle au gravier, sans aucune pointe de verdure à l’affleurement du sol. Mais le convoi portait assez de fourrage pour assurer la nourriture des montures. D’ailleurs, sur les bords du Melrir, la petite troupe, allant d’oasis en oasis, trouverait aisément à se ravitailler.

Heureusement, à défaut d’oueds, plusieurs « ras » ou sources coulaient, auxquelles hommes et bêtes purent se désaltérer ; on aurait cru qu’ils allaient les épuiser, tant avait été dévorante la chaleur de cette journée.

La nuit fut tranquille, très claire aussi, une nuit de pleine lune, sous un ciel fourmillant d’étoiles ; comme toujours, les approches avaient été surveillées. D’ailleurs, en terrain découvert, ni Sohar, ni Harrig n’auraient pu rôder autour du campement sans être