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une excursion de douze heures.

avaient été dépassés. Si le soleil, très abaissé sur l’horizon de l’ouest, n’eût pas été voilé d’une épaisse couche de nuages, on eût aperçu à une lieue de là les scintillantes efflorescences du chott Melrir. À sa pointe, s’arrondissaient vaguement les massifs de l’oasis, et, en admettant qu’il fallût encore une heure pour l’atteindre, la nuit ne serait pas complètement close, lorsque la petite troupe en franchirait les premiers arbres.

« Allons, mes amis, courage, répétait l’officier. Un dernier effort ! »

Mais, si endurants que fussent ses hommes, il voyait venir le moment où le désordre se mettrait dans sa petite troupe. Déjà, plusieurs cavaliers demeuraient en arrière, et, pour ne point les abandonner, force était de les attendre.

Il était vraiment à souhaiter que l’orage se manifestât autrement que par un échange d’éclairs et de roulements de foudre. Mieux aurait valu que le vent rendît l’air plus respirable et que ces énormes masses de vapeurs ne résolussent en pluie ! C’était l’air qui manquait, et les poumons ne fonctionnaient plus que très difficilement au milieu de cette asphyxiante atmosphère.

Le vent s’éleva enfin, mais avec toute la violence que devait déterminer l’extrême tension électrique de l’espace. Ces courants d’une extraordinaire intensité furent doubles, et des tourbillons se formèrent à leur point de rencontre. Un bruit assourdissant se joignit aux éclats du tonnerre, des sifflements d’une incroyable acuité. Comme la pluie n’alourdissait pas les poussières du sol, il se forma une immense toupie qui, tournant sur sa pointe avec une invraisemblable vitesse, sous l’influence du fluide électrique, déterminait un appel d’air auquel il serait impossible de résister. On entendait crier les oiseaux entraînés dans ce tourbillon dont les plus puissants ne parvenaient pas à s’arracher.

Les chevaux se trouvaient sur le chemin de cette trombe. Saisis par elle, ils furent séparés les uns des autres, et plusieurs